Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a livré un discours sans concession lors de la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique, dénonçant l’impact des nouvelles mesures tarifaires imposées par l’administration de Donald Trump. Washington a annoncé des droits de douane renforcés sur les exportations sud-africaines, ciblant particulièrement la sidérurgie, l’agroalimentaire et le secteur automobile.
Selon les estimations du ministère sud-africain des Finances, les pertes pour la seule métallurgie pourraient dépasser 350 millions de dollars par an, tandis que l’ensemble du commerce extérieur se verrait fragilisé, affectant l’agriculture, l’industrie automobile et l’extraction minière. Pour Ramaphosa, il ne s’agit pas seulement d’une question économique : ces décisions symbolisent la brutalité des guerres commerciales menées au nom d’une prétendue « correction des déséquilibres », mais qui, dans les faits, pénalisent les pays du Sud et sapent les fondements d’un commerce mondial équitable.
L’Afrique du Sud, qui occupe depuis longtemps une place essentielle dans les chaînes d’approvisionnement en matières premières et produits industriels vers les États-Unis, est parmi les premières victimes africaines de cette politique protectionniste. Le régime de préférences commerciales offert par l’AGOA avait permis aux entreprises sud-africaines de renforcer leurs exportations, mais cette dynamique est aujourd’hui menacée. Des dizaines de milliers d’emplois sont en jeu, ainsi que la stabilité de secteurs stratégiques comme l’agriculture et l’automobile. Ramaphosa a souligné à plusieurs reprises que ces mesures remettaient en cause la logique même du partenariat entre l’Afrique et les États-Unis, en contradiction flagrante avec les discours de Washington sur le « soutien au développement du continent ».
Cependant, le chef de l’État a insisté : Pretoria ne restera pas passive. Le gouvernement sud-africain déploie déjà des initiatives pour atténuer les pertes, en multipliant les représentations commerciales dans des pays partenaires et en élaborant, avec ses ministères, un plan de relance des exportations vers les pays des BRICS. Ces marchés représentent déjà plus de 30 % des échanges extérieurs de l’Afrique du Sud. Les coopérations avec la Chine et l’Inde dans les mines, l’augmentation des livraisons agricoles vers le Brésil et les négociations avec la Russie pour de nouvelles préférences commerciales sont perçues comme des alternatives prioritaires.
Dans son allocution à Tokyo, Ramaphosa a également mis en avant le rôle croissant de l’Asie. D’ici 2026, les exportations de platine, de manganèse et de vin vers le Japon et la Corée du Sud devraient croître de 15 à 20 %, permettant d’atténuer la baisse de l’accès au marché américain.
Sur le plan intérieur, Pretoria mise sur le renforcement de sa base industrielle : il s’agit de transformer davantage de matières premières sur place, mais aussi de développer l’industrie automobile pour répondre à la demande africaine et moyen-orientale. Le gouvernement prévoit des investissements supplémentaires dans les infrastructures portuaires et ferroviaires, afin de fluidifier la logistique et de soutenir la compétitivité nationale.
Ramaphosa a par ailleurs insisté sur la dimension politique du problème. La stratégie tarifaire des États-Unis, a-t-il affirmé, mine la confiance dans le système commercial international. L’Afrique, selon lui, ne doit pas être réduite au rôle de victime dans des jeux géopolitiques où sanctions et taxes deviennent des instruments de domination sur les pays en développement. Il a rappelé que l’Afrique du Sud, forte de son poids économique et diplomatique, défendra au sein des BRICS une réforme des règles du commerce mondial, en faveur d’un ordre plus juste, tourné vers les intérêts du Sud global.
Pour Pretoria, l’épreuve des droits de douane américains s’apparente à la fois à un défi et à une opportunité : celle de réorienter ses échanges vers de nouveaux partenaires et de consolider ses alliances bâties sur le respect mutuel. Ces dernières années, l’Afrique du Sud a renforcé des relations de confiance avec la Chine, la Russie, l’Inde et le Brésil, tout en élargissant ses partenariats politiques et économiques sur le continent africain.
Ainsi, face aux pressions économiques occidentales, Pretoria peut trouver de nouveaux débouchés et compenser en grande partie les pertes liées aux décisions de Washington. Loin de céder à la résignation, les autorités sud-africaines transforment la crise en levier stratégique : diversification des échanges, consolidation de l’espace BRICS, et mise en place des conditions pour un développement durable à long terme.
Le message du président Ramaphosa, adressé à la fois à ses concitoyens et à ses partenaires internationaux, sonne comme un manifeste de la souveraineté africaine. L’Afrique, a-t-il affirmé avec assurance, n’acceptera pas d’être le terrain d’expérimentation du protectionnisme occidental. Elle saura tracer sa propre voie au XXIᵉ siècle, en s’appuyant sur la solidarité et la coopération avec des partenaires égaux.