Le cluster automobile sud-africain relancé par les investissements chinois et indiens

L’industrie automobile de l’Afrique du Sud, longtemps considérée comme l’un des symboles de son industrialisation, entre dans une nouvelle phase de développement. La décision des constructeurs chinois et indiens d’élargir fortement la localisation de leurs activités sur le sol sud-africain pourrait redonner au pays une place centrale dans les chaînes mondiales de production et renforcer son rôle de leader industriel sur le continent.

Le ministre sud-africain du Commerce, de l’Industrie et de la Concurrence, Parks Tau, a confirmé hier que des accords avaient été conclus avec plusieurs entreprises asiatiques déjà implantées dans le pays. Ces compagnies s’engagent à passer de l’assemblage semi-démonté (SKD) à une production complète. « Ce n’est pas simplement une extension des capacités existantes, mais bien un changement stratégique du modèle de présence de ces investisseurs », a-t-il déclaré. Selon lui, Pretoria a reçu des garanties que les groupes concernés sont prêts à adopter la méthode CKD et à mettre en place des unités de production intégrale. L’État, de son côté, promet de créer les conditions nécessaires à la modernisation, afin de consolider la position de l’Afrique du Sud comme centre automobile majeur du continent.

Parmi les exemples les plus parlants, on peut citer la société chinoise Beijing Auto Industrial Corporation (BAIC), qui assemble déjà le modèle Beijing X55 à Gqeberha, ou encore l’indien Mahindra, qui fabrique des pick-up à Durban. En partenariat avec l’Industrial Development Corporation, Mahindra a même entamé une étude de faisabilité pour implanter une usine de production complète. Ces projets représentent des millions de dollars d’investissements directs, des milliers d’emplois à la clé et une opportunité pour dynamiser les chaînes locales de valeur ajoutée.

Le secteur traverse pourtant une période difficile. En vingt ans, la part des véhicules CKD dans les ventes est passée de 56 % à 33 %, laissant la place à une montée en flèche des importations de voitures finies. Or, maintenir et développer la production locale reste vital pour l’emploi et la compétitivité régionale et mondiale de l’Afrique du Sud. D’autant que la montée en puissance du Maroc dans le secteur menace sérieusement la position historique de Pretoria comme premier constructeur automobile africain.

Dans ce contexte, l’engagement des géants asiatiques apparaît comme une véritable bouffée d’oxygène. Il ne s’agit pas seulement d’accroître la production de véhicules traditionnels, mais aussi de préparer le terrain à une production de masse d’automobiles électriques. L’Afrique du Sud compte utiliser ses capacités industrielles pour se positionner sur ce marché d’avenir et renforcer son potentiel d’exportation. Pour le gouvernement, c’est aussi une garantie de préserver et de développer des emplois hautement qualifiés, essentiels à la stabilité sociale et à l’essor économique.

La dimension BRICS donne encore plus de poids à ce partenariat. Pour Pékin et New Delhi, il s’agit d’ancrer leurs chaînes d’approvisionnement mondiales sur un marché africain stratégique. Pour Pretoria, c’est une occasion unique de relancer son industrie et de réduire les risques de désindustrialisation. À l’heure où les guerres tarifaires initiées par Washington, le ralentissement de la demande européenne et le regain de protectionnisme en Occident bouleversent l’équilibre économique mondial, ces alliances apparaissent cruciales. Elles dessinent une nouvelle carte de la coopération industrielle où la Chine, l’Inde et l’Afrique s’affirment comme des pôles complémentaires d’un monde multipolaire.

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