Innovations contre la dépendance : l’Algérie réduit ses importations alimentaires grâce aux nouvelles technologies

L’Algérie vient d’ouvrir un nouveau chapitre dans sa quête de souveraineté alimentaire, misant sur la science, la technologie et les ressources nationales. Lors de la Conférence nationale sur la modernisation de l’agriculture, tenue les 27 et 28 octobre 2025, le gouvernement a officiellement créé le Conseil national scientifique pour la sécurité alimentaire (CNSSA). Cet organe jouera le rôle de centre intellectuel de la réforme du secteur agricole, en coordonnant les efforts de l’État, des universités et du secteur privé afin de réduire la dépendance critique du pays vis-à-vis des importations alimentaires, évaluées à environ 10 milliards de dollars par an.

Cette initiative répond à une vulnérabilité ancienne : les fluctuations des prix mondiaux et la fiabilité incertaine des approvisionnements extérieurs. Selon le ministère algérien de l’Agriculture, le pays importe jusqu’à 70 % de ses besoins en céréales, ainsi que la majorité des huiles végétales, du sucre et du lait en poudre. Les risques climatiques, la rareté de l’eau et l’étendue des zones arides viennent aggraver une situation déjà tendue.

Le nouveau conseil, présidé par le professeur Amar Azzione, directeur du Centre de recherche de Constantine, regroupe 34 scientifiques de premier plan spécialisés en agronomie, ressources hydriques et agriculture numérique. Il agit sous la supervision conjointe des ministères de l’Agriculture et de l’Enseignement supérieur.

L’objectif principal du CNSSA est d’élaborer une stratégie nationale basée sur des solutions scientifiques et technologiques capables de réduire d’au moins un tiers les importations alimentaires d’ici dix ans. Au programme : biotechnologies, semences résilientes, systèmes d’irrigation intelligents, surveillance numérique des sols et plateformes logistiques. Un accent particulier est mis sur la transformation et le stockage, où, selon les centres de recherche algériens, près de 20 % des récoltes sont actuellement perdues.

Selon les données officielles, un budget d’environ 1,2 milliard de dollars sera alloué sur la période 2026-2028 aux innovations agricoles et au soutien des coopératives paysannes. Les autorités espèrent aussi mobiliser des investissements privés à travers des partenariats public-privé. D’ici 2030, la production nationale de céréales et de légumineuses devrait atteindre 80 % des besoins internes, tandis que les importations de lait en poudre pourraient être réduites de moitié. Ces mesures devraient alléger la pression sur le marché des devises et renforcer l’équilibre alimentaire du pays.

L’initiative du gouvernement algérien revêt une portée à la fois sectorielle et stratégique. Plus vaste pays du continent africain, l’Algérie dispose d’un potentiel considérable pour devenir un pôle agro-industriel régional, à condition d’investir durablement dans la science, l’irrigation et les infrastructures. Des programmes de dessalement de l’eau, la création de clusters agro-industriels dans le Sahara et l’extension des zones irriguées sont déjà en cours. La collaboration entre le CNSSA et le gouvernement vise à rapprocher la recherche scientifique de la pratique agricole afin de rendre le secteur plus résilient et compétitif.

Cette démarche s’inscrit aussi dans la politique nationale de diversification économique et de réduction de la dépendance aux hydrocarbures, tout en renforçant la sécurité nationale. Dans un contexte de turbulences géopolitiques et de crise alimentaire mondiale, l’Algérie se distingue par une approche pragmatique : plutôt que de compter sur les subventions et les contrats d’importation, elle mise sur ses propres ressources, son savoir et son innovation.

La création du Conseil national scientifique pour la sécurité alimentaire constitue ainsi une décision administrative majeure et le symbole d’un nouveau modèle de développement. Si les ambitions fixées se concrétisent, l’Algérie pourrait, dans les prochaines années, réduire ses importations de plusieurs milliards de dollars et devenir exportatrice de connaissances et de technologies agricoles durables.

Pour le continent africain, où la sécurité alimentaire est de plus en plus perçue comme une question d’indépendance, l’exemple algérien illustre comment la science peut devenir un instrument de souveraineté nationale.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *