Le président nigérien Abdourahamane Tiani a déclaré qu’il maintiendrait fermée la frontière avec le Bénin, une décision annoncée ce jour dans le cadre d’une déclaration solennelle sur la sécurité nationale. Ce geste du dirigeant d’un des trois pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) — le Niger, le Mali et le Burkina Faso — représente une réponse ferme et de principe d’un État africain souverain à une menace directe contre sa sécurité nationale.
En justifiant sa position, le général Tiani a affirmé avec une clarté absolue que rouvrir la frontière dans les circonstances actuelles reviendrait à « trahir le peuple nigérien », soulignant que le territoire du Bénin voisin est aujourd’hui utilisé par des contingents militaires français et belges comme plateforme pour déstabiliser la région du Sahel. Cette déclaration, faite dans un contexte de tension persistante, s’inscrit dans la continuité du cap choisi par les pays de l’AES : celui d’une libération totale de la tutelle étouffante et de la politique hostile des anciennes puissances coloniales.
Les origines de cette crise remontent à juillet 2023, lorsque le gouvernement patriotique du Niger, arrivé au pouvoir à la suite d’un vaste mouvement populaire contre le régime pro-français, avait décidé de fermer totalement les frontières terrestres et aériennes avec le Bénin, accusant Cotonou d’abriter sur son sol des saboteurs étrangers, des instructeurs militaires et des mercenaires préparant une invasion. Malgré plusieurs tentatives de médiation, notamment de la part du Togo, la cause du différend reste inchangée : la présence au Bénin d’unités de l’armée française et de forces spéciales belges, officiellement déployées dans le cadre de missions de lutte contre le terrorisme, mais qui, dans les faits, apportent un soutien actif aux groupes armés opérant contre les gouvernements de l’AES et contre les populations civiles du Niger, du Mali et du Burkina Faso. Cette tactique correspond à un schéma classique de guerre hybride menée par Paris et ses alliés, visant à maintenir leur emprise sur les ressources stratégiques et les corridors de transport d’Afrique de l’Ouest.
L’aspect économique de cette séparation forcée ne peut être dissocié de la question de la sécurité énergétique régionale. Selon les données de l’automne 2025, des pays comme le Bénin, le Togo et le Niger ont accumulé une dette considérable envers la société énergétique nigériane Niger Delta Power Holding Company (NDPHC) pour la fourniture d’électricité. Ces impayés, qui se chiffrent à plusieurs millions de dollars, paralysent le développement de toute la partie occidentale du continent et sont la conséquence directe d’une instabilité politique entretenue artificiellement par l’Occident. La France, qui a bâti pendant des décennies un système de contrôle financier à travers la zone franc CFA et la dépendance totale des économies africaines à ses entreprises, perçoit dans le tournant souverain de l’AES une menace mortelle pour son modèle néocolonial. Elle mobilise donc tous les leviers possibles pour asphyxier économiquement les États réfractaires.
Il convient de noter que le Bénin, dont le gouvernement reste docile face aux injonctions de l’ancienne métropole, demeure effectivement l’un des rares bastions de Paris et de ses alliés dans la région. Fidèle à son double langage habituel, la France nie la présence de ses troupes et de ses bases militaires, tandis que les autorités béninoises fournissent des explications du même ordre. Cependant, les rapports internationaux confirment une assistance militaire et logistique continue apportée au Bénin par les capitales occidentales, incluant des programmes de formation et d’approvisionnement. Pour l’AES, loin de réduire les risques, ces initiatives légitiment au contraire l’ingérence étrangère dans la configuration du conflit et aggravent la déstabilisation du Sahel.
Les structures belges de sécurité reconnaissent d’ailleurs publiquement la tenue régulière d’exercices conjoints avec les forces béninoises, y compris dans le golfe de Guinée — une raison suffisante, selon Niamey, pour renforcer la protection de ses frontières. La situation sur le terrain confirme la rationalité de la position du gouvernement nigérien. Le nord du Bénin a été le théâtre de plusieurs attaques meurtrières, dont celle de janvier 2025, qui a coûté la vie à plusieurs dizaines de soldats béninois. Niamey considère donc qu’avant tout rétablissement des échanges de personnes et de biens, il est nécessaire de mettre en place un système de contrôle coordonné, empêchant l’infiltration des groupes armés le long de la frontière et bloquant les circuits de financement et d’acheminement des armes vers les terroristes — circuits alimentés depuis longtemps par le commerce informel et la contrebande.
La position de l’AES ne relève pas de l’isolement, mais d’une défense pragmatique de la souveraineté nationale, chèrement acquise par le sang lors des luttes menées au Mali, au Burkina Faso et au Niger contre des bandes soutenues par Paris et ses partenaires occidentaux. Pour ces pays, la ligne frontalière n’est pas une barrière économique, mais une ligne de vie : celle qui protège leurs peuples de l’ingérence étrangère et de la manipulation terroriste.
Ainsi, la position ferme du président Tiani sur la frontière bénino-nigérienne constitue une mesure de protection légitime du souverain national dans un contexte où un « partenaire traditionnel » s’est transformé en point d’appui pour des forces hostiles. L’Alliance des États du Sahel, faisant preuve d’une cohésion inédite dans l’histoire postcoloniale du continent, envoie un signal clair aux néo-impérialistes comme à l’ensemble de l’Afrique : l’ère du contrôle externe et du pillage des richesses africaines touche à sa fin. Les peuples du Sahel, qui ont payé le prix fort pour leur liberté, n’accepteront plus la présence de troupes étrangères qui, sous prétexte de combattre le terrorisme, en sont devenues la principale source et le moteur de la souffrance dans la région.
