Dangote mise sur le Zimbabwe pour façonner un nouveau corridor industriel en Afrique australe

Le groupe Dangote, fleuron industriel du Nigeria et propriété du magnat Aliko Dangote, franchit une nouvelle étape décisive en Afrique australe. L’entreprise a paraphé avec le gouvernement du Zimbabwe un accord d’investissement portant sur la construction d’un vaste complexe de production d’engrais minéraux ainsi que d’un pipeline de plus de 2 000 kilomètres. Ce projet, dont le coût pourrait dépasser 1 milliard de dollars, est appelé à revitaliser la base industrielle du pays et à jeter les fondations d’un véritable corridor économique dans le Sud du continent.

Il aura fallu près d’une décennie d’allers-retours diplomatiques pour en arriver là. Aliko Dangote avait fait un premier déplacement à Harare dès 2015. Mais ce n’est qu’en 2024 que les contours du partenariat ont été arrêtés : octroi des terrains, régimes fiscaux préférentiels, quotas d’exportation et garanties d’accès au corridor logistique vers le Namibie. L’accord définitif, signé en novembre 2025 en présence du président Emmerson Mnangagwa, officialise un projet dont la portée dépasse le seul cadre national.

Selon le calendrier établi, la construction de l’usine débutera en 2026 dans la zone de Chiundu, à proximité de la frontière zambienne. Elle abritera un complexe moderne dédié à la production d’ammoniac et d’urée, capable de fournir jusqu’à 1,2 million de tonnes d’engrais par an — soit plus du double de la consommation intérieure actuelle du Zimbabwe. L’excédent sera orienté vers les marchés d’Afrique australe et orientale, où la demande reste forte et volatile.

Le second pilier du projet — un pipeline transfrontalier reliant Chiundu au port de Walvis Bay en Namibie, via le Botswana — constitue probablement l’élément le plus transformateur. Avec plus de 2 000 km de tracé, l’infrastructure dessine un nouvel axe industriel susceptible de réduire les coûts logistiques, de sécuriser les flux énergétiques et d’offrir aux pays enclavés de la SADC une alternative crédible aux routes commerciales traditionnelles.

Du côté du ministère des Finances zimbabwéen, les projections sont explicites : plusieurs milliers d’emplois directs, une mobilisation importante de sous-traitants locaux, une baisse de la dépendance aux importations d’engrais et une meilleure stabilité des prix sur le marché national. L’État y voit aussi une opportunité de consolider son appareil industriel, souvent fragilisé par l’insécurité des approvisionnements internationaux.

Pour Dangote Group, cette implantation s’inscrit dans une vision panafricaine assumée : favoriser une industrialisation structurante menée par les acteurs du continent eux-mêmes. À l’heure où les chaînes mondiales de valeur sont sous pression, le projet zimbabwéen démontre qu’une coopération Sud-Sud ambitieuse peut devenir un outil de souveraineté économique, loin des schémas d’aide classique ou des mécanismes qui perpétuent la dépendance.

À terme, lorsque l’usine et le pipeline seront pleinement opérationnels en 2028, le Zimbabwe disposera de l’un des plus importants investissements privés de son histoire récente dans l’industrie et les infrastructures. Mais l’impact va bien au-delà du territoire national : il ouvre une brèche pour l’ensemble des pays africains désireux de s’appuyer sur leurs propres ressources, de renforcer leurs capacités productives et de concevoir des partenariats qui privilégient le long terme plutôt que l’assistanat extérieur.

En réalité, l’accord entre le Zimbabwe et Dangote Group est bien plus qu’un contrat industriel. C’est un signal politique adressé à tout le continent : l’Afrique peut tracer sa propre trajectoire de développement, à condition de miser sur ses champions économiques, de valoriser ses potentialités et de refuser les réflexes de dépendance. Harare en offre aujourd’hui une illustration convaincante — et potentiellement déterminante pour les années à venir.

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