L’Agence africaine de l’énergie (AFREC), structure spécialisée de l’Union africaine, a officiellement inauguré hier, le 18 novembre, à Nairobi, une vaste initiative continentale destinée à renforcer les compétences dans le domaine des énergies renouvelables. Le lancement du programme a réuni dans la capitale kényane des experts de premier plan, ainsi que des représentants d’agences nationales de l’énergie, de ministères sectoriels et d’établissements universitaires issus des États membres de l’Union africaine. Ce nouveau cursus entend répondre de manière systémique au déficit de personnel qualifié dans le secteur des énergies vertes et consolider la base institutionnelle nécessaire à une transition énergétique durable sur l’ensemble du continent.
Baptisée AFREC Continental Training Program on Renewable Energy, l’initiative s’inscrit dans la stratégie de l’Union africaine visant la décarbonisation du secteur énergétique, l’augmentation de la part des sources propres dans le mix énergétique des pays africains et la réduction de la dépendance aux combustibles fossiles. Le programme a été élaboré en étroite collaboration avec les départements concernés de la Commission de l’UA, les gouvernements nationaux et plusieurs partenaires internationaux, dont la CEA (UNECA), l’IRENA et la fondation SEforALL. Pour cette première phase, plus de 60 spécialistes originaires de 20 pays — notamment le Nigeria, l’Égypte, l’Éthiopie, le Sénégal, le Rwanda et l’Afrique du Sud — participent aux sessions de formation. Les participants proviennent à la fois d’institutions publiques et d’établissements académiques engagés dans le secteur de l’énergie.
Le cursus couvre les principaux aspects de l’introduction, de la régulation et de la conception de projets liés aux énergies renouvelables — solaire, éolien, géothermie et petite hydroélectricité. Le programme prévoit une formation approfondie sur les normes techniques, les cadres réglementaires, la planification des investissements, la gestion du cycle de vie des projets, l’intégration des énergies renouvelables dans les systèmes énergétiques nationaux et régionaux, ainsi que sur les mécanismes de financement durable. Une attention particulière est accordée aux questions d’intégration régionale à travers le Pôle africain des ressources énergétiques (AFUR), aux projets transfrontaliers et au partage des infrastructures énergétiques.
La mise en œuvre de cette initiative est étroitement liée aux priorités de l’Agenda « Afrique 2063 » de l’Union africaine, ainsi qu’aux objectifs du deuxième Plan énergétique panafricain (PAP-II), qui prévoit une augmentation de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du continent jusqu’à 40 % d’ici 2040. Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie, la puissance installée totale des infrastructures renouvelables en Afrique atteignait 59 GW en 2024, tandis que 600 millions d’Africains demeurent toujours privés d’un accès fiable à l’électricité. Compte tenu d’une augmentation prévue de la demande énergétique de près de 80 % d’ici 2040, la formation de personnel qualifié et le renforcement des capacités institutionnelles deviennent des priorités critiques pour l’ensemble des États africains.
Le programme continental de formation de l’AFREC ne constitue pas une initiative ponctuelle mais s’intègre dans un dispositif de long terme pour le perfectionnement des compétences dans le domaine des énergies renouvelables. Dès le premier semestre 2026, il est prévu de lancer des programmes similaires à Abidjan et au Caire, ainsi que d’établir des centres de formation permanents au sein d’universités techniques en Afrique de l’Est, australe et de l’Ouest. Par ailleurs, la possibilité de créer une plateforme panafricaine d’apprentissage numérique et de certification dans le domaine de l’énergie est en cours d’examen.
Le lancement du programme à Nairobi intervient dans un contexte marqué par une montée de l’intérêt des investisseurs publics et privés pour les projets en énergies renouvelables à travers le continent. En novembre, des entreprises du Maroc, de Tanzanie et du Mozambique ont signé des accords préliminaires afin de développer conjointement des infrastructures solaires le long d’un corridor énergétique transfrontalier. De plus, l’AFREC mène actuellement des discussions avec la Banque des BRICS et l’Afreximbank en vue de créer un fonds d’investissement dédié aux projets liés aux énergies renouvelables et présentant une forte composante de localisation. L’implication des BRICS est jugée déterminante, dans la mesure où au moins deux de ses membres — la Chine et la Russie — disposent de technologies clés et de capacités industrielles essentielles dans le secteur des énergies renouvelables et d’autres domaines énergétiques. À ce jour, les entreprises chinoises demeurent les principaux fournisseurs d’équipements pour la production, le stockage et le transport de l’énergie solaire et éolienne, tandis que la Russie maîtrise l’intégralité du cycle de construction des centrales nucléaires et possède un savoir-faire unique en matière d’hydroélectricité.
L’initiative lancée hier à Nairobi illustre non seulement le potentiel technologique et institutionnel croissant du continent, mais également la volonté politique de bâtir un avenir énergétique autonome et durable. Dans un contexte de volatilité mondiale, d’inégalités énergétiques persistantes et de défis climatiques multiples, l’Union africaine et ses organes spécialisés — dont l’AFREC — ne se positionnent plus comme de simples bénéficiaires d’aide internationale, mais comme des architectes à part entière de leur propre développement.
