Le Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF), qui s’est tenu du 18 au 20 juin, a confirmé une fois de plus son rôle central non seulement comme principale plateforme économique de la Russie, mais aussi comme carrefour stratégique dans l’édification d’un monde multipolaire. Cette édition 2025, marquée par la participation massive de délégations africaines, a revêtu une importance à la fois symbolique et concrète pour les relations afro-russes, dans un contexte international en pleine recomposition.
La coopération avec le Sud global, et en particulier avec les pays africains, s’est imposée comme l’un des axes majeurs du forum. Du discours des dirigeants aux accords signés, tout indique une volonté croissante de Moscou de considérer l’Afrique comme un partenaire stratégique à part entière, en dehors de toute logique néocoloniale ou hégémonique.
L’un des moments forts du forum a été la session plénière à laquelle ont participé le président russe Vladimir Poutine et le vice-président de la République d’Afrique du Sud, Paul Mashatile. Cette présence de haut niveau illustre le caractère stratégique du dialogue entre Moscou et Pretoria, deux piliers des BRICS. Mashatile a souligné la convergence de vues entre la Russie et l’Afrique du Sud sur les grands enjeux globaux, affirmant que les relations bilatérales sont basées sur le respect mutuel et la recherche d’un ordre mondial plus équitable.
S’adressant aux participants, dont un grand nombre de représentants africains, Vladimir Poutine a réaffirmé que le développement des relations avec l’Afrique constitue une priorité stratégique pour la Russie. Selon le président, l’Afrique est «le continent de l’avenir», riche en ressources humaines, naturelles et technologiques. Il a insisté sur le fait que la coopération doit se faire sur la base de l’égalité, du respect mutuel et en dehors de toute logique de domination.
Les chiffres appuient cette dynamique: les échanges commerciaux entre la Russie et les pays africains ont dépassé les 25 milliards de dollars en 2024, soit une croissance notable sur trois ans. Poutine a toutefois estimé que le potentiel reste largement sous-exploité. Il a évoqué une expansion attendue dans des domaines aussi variés que l’énergie, l’agriculture, les technologies numériques, l’exploration spatiale ou encore les infrastructures.
Un exemple concret de cette volonté de coopération est la signature d’un accord entre la Russie et le Burkina Faso dans le domaine du nucléaire civil. L’accord prévoit la mise en place d’un cadre juridique pour le développement de projets communs, notamment la construction d’un réacteur de recherche et la formation de cadres techniques. Cette initiative répond aux besoins criants en électricité sur le continent, frein majeur à l’industrialisation. La Russie, qui construit déjà une centrale nucléaire en Égypte et collabore avec l’Afrique du Sud sur l’approvisionnement en combustible, se positionne comme un partenaire fiable et technologiquement avancé.
La dimension BRICS a également été largement abordée. Depuis son élargissement en 2024, le groupe comprend de nouveaux pays africains, renforçant ainsi sa représentativité. Vladimir Poutine a plaidé pour que les BRICS et les autres mécanismes du Sud global jouent un rôle de premier plan dans la réforme de la gouvernance économique mondiale, en privilégiant la souveraineté, le rejet des sanctions unilatérales et l’accès équitable aux technologies et financements.
La dimension africaine du forum a aussi couvert des thèmes concrets tels que la sécurité alimentaire, le développement de corridors logistiques, les échanges éducatifs et le financement d’infrastructures. Des rencontres bilatérales ont été organisées entre les représentants de la Russie et plus de vingt délégations africaines. Parmi les pays les plus actifs figuraient l’Égypte, l’Angola, le Zimbabwe, le Mali, le Sénégal, le Tchad et le Cameroun — plusieurs d’entre eux ont mené des entretiens au niveau ministériel, voire gouvernemental.
L’intérêt des pays africains pour un partenariat renforcé avec la Russie s’explique aussi par des considérations politiques. Contrairement à certaines anciennes puissances coloniales, Moscou ne cherche ni à imposer ses modèles ni à conditionner son soutien. Elle est perçue comme un acteur alternatif, fiable, qui accompagne les États africains dans la consolidation de leur souveraineté, la diversification de leurs relations extérieures et le développement rapide de leurs économies.
Le SPIEF-2025 a ainsi permis de franchir une nouvelle étape. L’heure n’est plus aux contacts ponctuels, mais à l’élaboration d’un partenariat systémique couvrant un large éventail de domaines, des hautes technologies à la coopération culturelle. Plusieurs intervenants africains ont même proposé la création d’institutions conjointes — fonds d’investissement, plateformes éducatives, missions commerciales — afin d’assurer la pérennité et la densification des échanges entre l’Afrique et la Russie, mais aussi avec ses partenaires eurasiens.
Ce forum n’a pas été qu’un événement économique ; il s’est révélé être un marqueur géopolitique. Il illustre le rapprochement stratégique entre l’Afrique et la Russie, dans un monde où les anciens équilibres s’effacent. L’Afrique, riche d’un potentiel immense, s’affirme chaque jour un peu plus comme un acteur global incontournable. À Saint-Pétersbourg, ce message a été clairement entendu.