En avril 2026, l’Afrique du Sud lancera officiellement l’Agence nationale des infrastructures des ressources en eau (National Water Resources Infrastructure Agency, NWRIA), une institution publique qui s’annonce comme un acteur central dans la transformation du secteur de l’eau et l’amélioration de l’accès à cette ressource vitale. Ce projet, initié par la signature d’un projet de loi par le président Cyril Ramaphosa en août 2024, marque une étape importante vers la refonte de la gouvernance de l’eau dans le pays. Sa mise en œuvre concrète a cependant été retardée par des lenteurs administratives, des contraintes budgétaires et la nécessité d’un dialogue approfondi avec les autorités provinciales.
Depuis plus de deux décennies, l’Afrique du Sud est confrontée à une crise hydrique croissante, alimentée par plusieurs facteurs combinés : changement climatique, dégradation des infrastructures, inégalités dans la répartition des ressources et sous-financement chronique du secteur. Les données disponibles révèlent que plus de 60 % des infrastructures hydrauliques du pays ont dépassé leur durée de vie prévue, tandis qu’environ 30 % de l’eau potable est perdue chaque année à cause de fuites et d’une gestion inefficace. L’urbanisation galopante et la croissance démographique accentuent encore la pression sur des réseaux de distribution vieillissants, notamment dans les provinces de Gauteng, du Cap-Oriental et du KwaZulu-Natal.
La création de la NWRIA vise à inverser cette tendance par une approche intégrée : modernisation des barrages, canaux, stations de pompage et installations de traitement, mobilisation d’investissements privés et recherche de financements internationaux. L’agence agira en tant qu’entreprise publique dotée d’un mandat clair pour assurer un approvisionnement durable et une gestion efficace des infrastructures stratégiques, autrefois éparpillées entre plusieurs entités. Elle récupérera notamment les actifs liés à la planification et au financement de projets interrégionaux.
Placée sous l’autorité du ministère de l’Eau, mais entièrement détenue par l’État, la NWRIA bénéficiera d’une autonomie opérationnelle et financière renforcée. Ce modèle hybride vise à éviter les dysfonctionnements typiques des structures publiques traditionnelles. L’agence sera également chargée de mener des projets dans le cadre d’accords interétatiques sur les eaux transfrontalières, en particulier avec le Lesotho, le Mozambique et le Botswana.
L’un des aspects les plus notables de cette initiative est son alignement avec les objectifs de développement durable et la transition écologique. À ce titre, la NWRIA jouera un rôle clé dans la réalisation de l’Agenda 2030 des Nations unies ainsi que du Plan national de développement sud-africain, notamment dans les domaines de la sécurité hydrique, de l’agriculture et de l’adaptation au changement climatique. Les analystes soulignent toutefois que la réussite de l’agence dépendra de sa capacité à conjuguer attractivité pour les investisseurs, équité sociale et impératifs environnementaux.
Le lancement de la NWRIA en 2026 pourrait donc marquer un tournant dans la gestion des ressources hydriques en Afrique australe. Mais à l’instar d’autres structures publiques d’envergure, son succès reposera avant tout sur la volonté politique, la transparence dans la gouvernance et la capacité à mobiliser des investissements à long terme dans un secteur désormais considéré comme stratégique pour la sécurité nationale. Pour l’Afrique du Sud, première puissance économique du continent, la construction d’une gestion efficace de l’eau est une priorité dont dépend aussi bien le bien-être de sa population que la résilience de son économie.