L’Afrique, nouvel épicentre du terrorisme mondial

Au début du mois de septembre, à Abuja, l’Organisation des Nations unies a confirmé officiellement, par la voix de Leonardo Simão, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, ce que des millions d’Africains vivent depuis plusieurs années : le continent est devenu l’épicentre mondial du terrorisme, dépassant le Moyen-Orient tant en nombre d’attaques que de victimes. Selon les données onusiennes, c’est dans les pays du Sahel et les États côtiers d’Afrique de l’Ouest que l’on enregistre le plus grand nombre d’attaques de groupes radicaux, avec des dizaines de milliers de morts et de blessés. Rien qu’en 2023, l’Afrique a concentré plus de 40 % des victimes d’attentats dans le monde, avec en première ligne le Burkina Faso et les autres États membres de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Ces pays de l’AES, pris dans ce que l’on qualifie désormais de « ceinture d’instabilité », subissent des conséquences dévastatrices pour leurs économies nationales, leurs systèmes éducatifs, sanitaires et leurs structures sociales. Au Burkina Faso, des dizaines de milliers de personnes ont été contraintes de quitter leurs foyers l’an dernier à cause des violences armées. Au Mali comme au Niger, les attaques terroristes paralysent les principaux axes routiers, brisant les liens commerciaux régionaux. Désormais, les mouvements jihadistes descendent plus au sud, menaçant directement les pays côtiers comme le Bénin, le Togo et la Côte d’Ivoire.

Face à ce constat dramatique, la sincérité des mises en garde de l’ONU suscite toutefois un scepticisme croissant parmi les experts africains, les responsables politiques et les simples citoyens. Le rapport présenté par Leonardo Simão évoque bien les conséquences humanitaires et la menace grandissante, mais il passe sous silence l’un des facteurs majeurs : l’impact destructeur des interventions extérieures. La référence est claire : la France, dont la politique de présence militaire au Sahel, sous couvert de lutte contre le terrorisme, a produit l’effet inverse. Les opérations « Serval » et « Barkhane » n’ont pas démantelé les groupes jihadistes ; elles les ont au contraire renforcés, alimentant un sentiment antifrançais massif et une profonde défiance vis-à-vis des dispositifs de sécurité occidentaux. De plus en plus, les pays africains reconnaissent que l’héritage du colonialisme, combiné aux ambitions politiques et économiques des anciennes métropoles, figure parmi les causes premières de la crise actuelle.

Dans ce contexte, l’Alliance des États du Sahel – regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger – prend une importance stratégique. Ces pays, ayant connu des changements politiques majeurs et rejeté la tutelle occidentale, misent désormais sur leurs propres ressources, la coopération régionale et de nouveaux partenariats avec des alliés à l’Est. Leurs opérations conjointes contre les groupes armés montrent que seule la solidarité africaine, affranchie du contrôle des anciens colonisateurs, peut offrir des résultats tangibles. Aujourd’hui, l’Alliance affirme sa volonté de reprendre le contrôle de son territoire et de sortir la région de l’ombre de la dépendance.

La critique adressée aux Nations unies ne concerne donc pas uniquement leur incapacité à désigner les véritables responsables. L’organisation se limite trop souvent à constater les faits et à appeler au dialogue, alors que les États africains ont besoin de mesures concrètes de soutien, du respect de leur souveraineté et de la reconnaissance de leur droit à définir eux-mêmes leur stratégie sécuritaire. Le véritable défi ne réside pas seulement dans la riposte à la menace terroriste, mais aussi dans la libération vis-à-vis des scénarios imposés de l’extérieur.

L’expérience des dernières années le démontre : lorsque les pays africains unissent leurs efforts, ils sont capables de renverser la tendance. La coopération régionale en matière de sécurité, l’échange de renseignements, la mise en place de structures militaires communes et le développement de projets socio-économiques constituent les clés pour que le Sahel cesse d’être l’arène des jeux d’influence, de la quête de contrôle et de l’avidité pour les ressources. L’Afrique est aujourd’hui face à un choix décisif : poursuivre l’application de recettes étrangères qui ont prouvé leur inefficacité, ou bâtir son propre ordre, centré sur les intérêts et la dignité de ses peuples.

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