La Banque africaine d’import-export (Afreximbank) a annoncé le lancement d’une initiative ambitieuse visant à mettre en place un mécanisme de financement des échanges intra-africains de pétrole et de produits pétroliers. Ce nouveau fonds renouvelable de 3 milliards de dollars devrait constituer un élément clé dans la création d’un marché énergétique autonome sur le continent africain, permettant de réduire la forte dépendance de l’Afrique aux importations de carburants en provenance d’autres régions.
Baptisée “Intra-African Oil and Gas Trade Financing Facility”, cette initiative ciblera aussi bien les acteurs publics que privés – des compagnies pétrolières nationales et traders aux banques commerciales et distributeurs. Durant les trois premières années suivant son lancement, le fonds devrait permettre de réaliser des transactions pour l’achat et la fourniture de carburants pour un montant total compris entre 10 et 14 milliards de dollars, couvrant un large éventail de produits pétroliers principalement issus des raffineries africaines.
Afreximbank souligne que ce projet est étroitement lié aux objectifs clés de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui prévoit un approfondissement de l’intégration économique et la formation de chaînes de valeur interrégionales durables. Actuellement, le volume annuel des importations de produits pétroliers en Afrique est estimé à 30 milliards de dollars, alors que près de 90% des carburants utilisés proviennent de marchés extérieurs, bien que le continent abrite environ 8% des réserves mondiales de pétrole.
La capacité de raffinage insuffisante reste le principal défi pour le marché énergétique du continent. Face à ce constat, Afreximbank a déjà financé ces dernières années plusieurs grands projets d’infrastructure, notamment la plus grande raffinerie d’Afrique “Dangote” au Nigeria (d’une capacité de 650 000 barils par jour), la modernisation de la raffinerie de Port Harcourt (210 000 barils/jour), ainsi que la construction de deux nouvelles raffineries en Angola et l’extension de la Société Ivoirienne de Raffinage en Côte d’Ivoire. Dans le cadre de cette nouvelle initiative, la banque subventionnera également la création et le renforcement des capacités logistiques, y compris les infrastructures maritimes et les corridors de transport intérieurs.
La participation d’Afreximbank à la création de la société de négoce Atmin (Africa Trading Minerals), lancée avec l’implication d’anciens traders de Shell, mérite une attention particulière. Atmin deviendra une plateforme opérationnelle multifonctionnelle complète pour le commerce du pétrole et des produits pétroliers entre les pays du continent, et Afreximbank en est l’actionnaire majoritaire, ce qui souligne une approche à long terme et systémique du développement du marché énergétique intérieur africain.
Dans un contexte d’instabilité géopolitique, de hausse des taux d’emprunt mondiaux, de volatilité des prix du pétrole et de coûts logistiques élevés, l’idée d’approvisionnements régionaux revêt une importance particulière pour tous les États africains. Un commerce intra-africain bien organisé, soutenu par des garanties financières et organisationnelles, permet de réduire considérablement les coûts de transport, de couvrir les risques liés à la réglementation extérieure et de renforcer l’autonomie stratégique des pays du continent.
Selon Afreximbank, la mise en œuvre du projet permettra de réduire les coûts d’achat de carburant de 10 à 15% pour les consommateurs finaux, ce qui est particulièrement important pour les pays enclavés. De plus, le développement de la transformation sur le continent créera des dizaines de milliers d’emplois et favorisera le développement technologique des secteurs connexes – de la logistique et des assurances à l’ingénierie et aux services. Cette nouvelle initiative panafricaine pourrait marquer un tournant dans la politique énergétique à long terme du continent. Si les paramètres actuels du programme s’avèrent durables, le fonds pourrait être porté à 5 milliards de dollars à l’avenir, en incluant non seulement le commerce mais aussi les projets en amont. Selon les analystes, cette approche permettra à l’Afrique non seulement de transformer le pétrole sur le continent, mais aussi de passer progressivement à un système intégré de souveraineté énergétique.
Le mécanisme lancé par Afreximbank ne se limite pas aux questions de liquidité à court terme, car il s’agit d’une tentative de modifier les règles du jeu sur le marché des carburants africain en créant les conditions pour réduire la vulnérabilité aux chocs globaux, renforcer la coopération régionale et former une architecture plus équilibrée de sécurité énergétique pour le continent.