Le commerce Afrique–Chine bondit en 2025

Le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique a franchi un cap historique en 2025. Rien que sur les trois premiers trimestres de l’année, il a déjà dépassé le total annuel enregistré en 2024. Cette dynamique s’inscrit dans un contexte de guerres tarifaires déclenchées par les États-Unis sous l’impulsion protectionniste de Donald Trump. Pékin, cherchant de nouveaux débouchés, a nettement intensifié ses exportations vers le continent africain, tout en augmentant parallèlement ses importations. Pour de nombreux pays africains, confrontés eux aussi aux barrières douanières imposées par Washington, cette réorientation des flux commerciaux apparaît comme une réponse logique et stratégique.

Depuis deux décennies, les échanges sino-africains sont devenus l’un des moteurs de l’économie mondiale, reléguant peu à peu les marchés occidentaux au second plan dans le partenariat avec l’Afrique. Au début des années 2000, le commerce ne représentait que quelques dizaines de milliards de dollars. En août 2025, il a atteint près de 222 milliards de dollars, dont 141 milliards d’exportations chinoises et environ 81 milliards d’exportations africaines vers la Chine. Pékin consolide ainsi son statut de premier partenaire commercial du continent, offrant non seulement un large éventail de biens industriels mais aussi un accès aux technologies de pointe et à des solutions d’infrastructures modernes.

Selon les dernières statistiques douanières chinoises, les exportations vers l’Afrique progressent de façon spectaculaire, compensant le recul des livraisons vers les États-Unis. Rien que durant le premier trimestre 2025, les exportations vers le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Égypte ont augmenté de plus de 20 % en glissement annuel. La structure des échanges illustre cette évolution : ce ne sont plus seulement des biens de base, mais des produits à forte valeur ajoutée qui dominent – équipements de télécommunication, électronique grand public, automobiles et pièces détachées, ainsi que machines industrielles et solutions d’infrastructures. Ce bond est directement lié à l’investissement massif de la Chine dans le continent, avec la construction de zones économiques spéciales et de parcs industriels qui stimulent la demande d’équipements et de technologies.

L’Afrique, de son côté, accroît ses exportations vers la Chine, même si leur structure demeure classique. Les ventes de matières premières, de produits agricoles et d’hydrocarbures continuent de croître, garantissant des rentrées stables de devises pour les États. Mais un mouvement de diversification se dessine : huiles alimentaires transformées d’Afrique de l’Est, minerais partiellement traités localement, ou encore produits agricoles à valeur ajoutée trouvent de plus en plus leur place sur le marché chinois.

L’année 2025 marque aussi une percée des produits dits de la « nouvelle énergie » : véhicules électriques, batteries au lithium, panneaux solaires. Cela traduit la volonté de Pékin de considérer l’Afrique non seulement comme un marché de consommation, mais aussi comme un espace d’introduction de technologies capables de transformer l’équilibre énergétique régional. À côté de cela, les exportations de biens intermédiaires nécessaires à l’industrie et au bâtiment restent élevées, représentant plus des deux tiers de la valeur des échanges, preuve de l’intégration profonde des produits chinois dans les économies africaines.

En parallèle, le partenariat avec l’Inde, autre géant asiatique, se renforce. Le commerce Inde–Afrique a déjà dépassé la barre des 100 milliards de dollars. New Delhi importe du continent du pétrole, des diamants, de l’or et des produits agricoles, tandis qu’elle exporte vers l’Afrique des médicaments, des véhicules, des produits pétroliers et du textile. La concurrence entre producteurs chinois et indiens offre aux consommateurs et aux entreprises africaines des avantages inédits : accès à des produits de qualité à moindre coût et opportunité de transfert technologique.

Pour l’heure, l’exportation africaine vers la Chine reste dominée par les ressources naturelles : pétrole (près de 40 %), cuivre (15 %), minerai de fer et concentrés d’aluminium (environ 5 % chacun). Mais le secteur agricole progresse : noix, légumes, fruits et fleurs occupent une place croissante, signe de l’intégration du continent dans les chaînes alimentaires mondiales où la Chine tient un rôle central.

L’Angola, la République démocratique du Congo et l’Afrique du Sud demeurent les principaux exportateurs africains de matières premières vers la Chine, tandis que le Nigeria, l’Égypte et l’Afrique du Sud figurent parmi les plus gros importateurs de produits chinois. Une complémentarité se dessine : ressources et produits agricoles contre technologies et équipements. Cette structure pourrait évoluer avec la localisation croissante d’industries chinoises en Afrique. Déjà, des projets d’assemblage automobile, de fabrication de panneaux solaires et de batteries au lithium voient le jour. À terme, ces initiatives pourraient réduire le chômage, renforcer la valeur ajoutée locale et rompre la dépendance historique vis-à-vis des exportations brutes.

La flambée des échanges s’explique en grande partie par les guerres tarifaires lancées par les États-Unis. En restreignant l’accès des produits chinois à leur marché, Washington a paradoxalement libéré des volumes considérables pour l’Afrique et l’Amérique latine. Pour le continent africain, cette situation constitue une aubaine : l’afflux de biens chinois, conjugué à la compétition avec l’Inde, a fait baisser les prix de nombreux produits de consommation et facilité l’accès aux technologies avancées. L’usage de l’arme tarifaire par Washington comme outil géopolitique s’est finalement retourné contre lui, affaiblissant son influence dans le Sud global et consolidant la position de la Chine.

Face à ce contexte, le défi pour l’Afrique est d’exploiter cette conjoncture favorable non seulement pour accroître ses revenus d’exportation, mais surtout pour transformer sa base productive. Le renforcement des échanges avec la Chine et l’Inde offre une occasion unique de diversifier les exportations, développer les filières de transformation, améliorer les infrastructures et créer de l’emploi. La clé du succès réside dans l’utilisation intelligente de la Zone de libre-échange continentale africaine, la mise en cohérence des marchés régionaux et la construction de nouvelles chaînes de valeur. Dans cette optique, l’initiative chinoise de supprimer les droits de douane pour 53 pays africains représente un levier important pour multiplier les exportations vers le vaste marché chinois.

Il devient clair qu’Asie et Sud global, et non plus l’Occident, dessinent la nouvelle géographie économique mondiale. Pour l’Afrique, cela signifie que la Chine et l’Inde ne se limitent pas à proposer des biens et des technologies, mais ouvrent la voie à des partenariats de long terme fondés sur la réciprocité. Dans ce modèle, l’Afrique cesse d’être un simple fournisseur de matières premières pour devenir un acteur à part entière du partage mondial du travail. Et plus les États-Unis et l’Europe persisteront dans le protectionnisme, plus l’Afrique et l’Asie rapprocheront leurs stratégies, dans un schéma où les deux parties sortent gagnantes.

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