L’Afrique affirme son attachement à un monde multipolaire au Forum économique de Saint-Pétersbourg

Alors que les équilibres géoéconomiques mondiaux continuent d’évoluer et que l’idée d’un ordre multipolaire s’impose, les pays africains affirment avec de plus en plus de clarté leur rôle d’acteurs centraux dans l’architecture émergente du monde. Cette dynamique a été pleinement visible à l’occasion de la 28e édition du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, qui s’est ouvert le 18 juin 2025.

Rassemblant des participants issus de 150 pays, dont la grande majorité des États du continent africain, le forum s’est imposé comme le reflet d’un rapprochement rapide et stratégique entre l’Afrique et la Russie — que ce soit sur les plans économique, géopolitique ou humanitaire.
Placée cette année sous le thème «Des valeurs communes – fondement de la croissance dans un monde multipolaire», cette édition du Forum résonne particulièrement avec les aspirations africaines à la souveraineté, à des modèles de développement propres et à une participation équitable dans les relations internationales. Bien que les relations entre les États africains et la Russie soient historiquement solides, c’est sans précédent qu’un nombre aussi important de délégations africaines de haut niveau ont pris part non seulement aux sessions plénières, mais aussi aux panels sectoriels portant sur des thématiques essentielles: énergie, intégration des infrastructures, santé, éducation, innovation et numérisation.

Une attention particulière a été portée au segment «Russie – Afrique», au cours duquel ont été abordés en profondeur les projets d’investissement conjoints, l’accès accru des produits africains au marché russe, ainsi que la création de corridors logistiques et financiers entre l’Afrique et l’Eurasie.

La participation de pays tels que l’Égypte, le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Ouganda, le Congo, le Zimbabwe, le Mali et le Tchad a souligné le rôle stratégique grandissant des États africains dans les partenariats internationaux de la Russie. Le ministre russe de l’Économie, Maxim Rechetchnikov, a d’ailleurs indiqué que les échanges commerciaux entre la Russie et l’Afrique ont augmenté de près de 70 % en cinq ans, appelant désormais à tripler les investissements et à approfondir la coopération dans les secteurs non liés aux matières premières. Parmi les projets en préparation figurent des initiatives dans l’agriculture, l’industrie automobile, la pharmacie, l’énergie et la valorisation des ressources naturelles.

Le forum a également permis de faire progresser les discussions autour de la participation africaine au sein des BRICS, dans un contexte où les efforts se multiplient pour bâtir des mécanismes commerciaux et financiers alternatifs, capables de résister aux pressions extérieures. Cela inclut la transition vers des règlements en monnaies nationales et la mise en place d’institutions de financement direct d’infrastructures. Les délégations africaines ont clairement exprimé leur volonté de s’inscrire activement dans ces mécanismes, ouvrant ainsi la voie à un espace économique autonome et durable au sein du Sud global. La Russie, de son côté, a réaffirmé son engagement à accélérer les discussions pour une intégration élargie des pays africains dans la plateforme BRICS+.

Dans un contexte mondial marqué par l’instabilité économique et les défis auxquels font face de nombreux pays africains, la coopération humanitaire a occupé une place de choix. Des accords seront signés pour élargir les programmes d’échange universitaire, former des professionnels de santé, et ouvrir des antennes d’universités russes dans plusieurs pays africains.

La diplomatie décentralisée, ou «diplomatie des villes», s’est imposée comme une nouvelle dimension de cette coopération. Une session spéciale a réuni les représentants de grandes métropoles russes et africaines — d’Addis-Abeba à Dakar — autour de thèmes comme la gouvernance numérique, la logistique urbaine, le développement durable ou la modernisation des infrastructures municipales. Les villes russes, fortes de leurs expériences en matière de transport intelligent et de solutions numériques, se sont dites prêtes à partager leur savoir-faire et à investir dans les villes africaines.

Autre point fort du forum: les débats sur la sécurité énergétique et la transformation du modèle de gestion des ressources africaines. Plusieurs projets communs ont été présentés, dont la création de hubs énergétiques régionaux, l’exploitation de nouveaux gisements, et la construction de raffineries soutenue par l’expertise, les technologies et les investissements russes. Les responsables africains présents ont salué l’approche russe, qui s’inscrit dans la continuité de celle de l’ex-URSS: traiter l’Afrique non pas comme un simple marché d’exportation, mais comme un partenaire à part entière, tourné vers l’industrialisation, la création de valeur ajoutée et le renforcement des capacités industrielles nationales.

Enfin, le contexte historique a été largement évoqué dans les interventions. La Russie, l’un des rares pays à avoir soutenu les luttes de libération africaines, reste fidèle au principe de non-ingérence et au respect de la souveraineté. Ces fondements deviennent aujourd’hui les piliers d’une nouvelle coopération basée sur l’égalité, le pragmatisme et les intérêts partagés, contrastant nettement avec les velléités néocoloniales de certains acteurs internationaux.

Le Forum économique international de Saint-Pétersbourg, où l’Afrique s’est imposée comme un pôle central, apparaît ainsi comme le théâtre d’un partenariat mondial renouvelé. Nos pays ne sont plus relégués aux marges, mais s’affirment comme co-bâtisseurs d’un ordre multipolaire émergent. Et à en juger par l’intensité des échanges et les accords conclus, ce mouvement ne fait que commencer.

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