L’Algérie, qui occupe depuis longtemps une place stratégique sur la carte énergétique du continent africain, vient de franchir une nouvelle étape dans son partenariat avec la Russie. Lors d’une rencontre entre Mohamed Arkab, ministre algérien de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables, et Roman Marshavin, vice-ministre russe de l’Énergie, les deux parties ont échangé sur les perspectives de coopération dans les domaines des hydrocarbures, de l’électricité et des grands projets d’infrastructures.
À l’issue des discussions, Alger a officiellement invité Moscou à participer aux prochains appels d’offres dans le secteur pétrolier et gazier, ainsi qu’à la construction de nouvelles centrales électriques. Cette initiative marque l’ouverture d’une phase inédite dans les relations énergétiques algéro-russes.
La coopération énergétique entre Moscou et Alger s’appuie sur une histoire solide et des intérêts stratégiques convergents. Fournisseur majeur de gaz naturel pour l’Europe, l’Algérie entend préserver son rôle clé, tandis que la Russie, malgré les sanctions occidentales, reste un acteur incontournable du marché mondial de l’énergie.
Leur rapprochement s’explique aussi par une vision commune : défendre la souveraineté des pays exportateurs d’hydrocarbures. Dans ce contexte, la coordination au sein de l’OPEP+ et du Forum des pays exportateurs de gaz (FPEG) a été au centre des discussions. Les deux États jugent essentiel de présenter une position unifiée des producteurs face à la volatilité des marchés et aux pressions croissantes des pays consommateurs.
Il convient de rappeler que, dès l’indépendance de l’Algérie, Moscou avait joué un rôle décisif dans le développement du secteur énergétique national, la formation des ingénieurs et la mise en place des premières infrastructures. Cet héritage continue de nourrir la relation bilatérale.
Les entretiens ont également porté sur la nécessité de promouvoir le libre échange des ressources énergétiques et le transfert de technologies de pointe. Face aux menaces croissantes – sabotage, cyberattaques, risques géopolitiques – les deux pays envisagent de renforcer leurs mécanismes de protection des infrastructures et des routes d’exportation.
Pour Alger, qui exporte une part importante de son gaz à travers la Méditerranée, la sécurisation de ces installations est à la fois une question économique et stratégique. L’expertise russe en matière de technologies énergétiques et de sécurité attire l’attention de nombreux États africains.
Autre point majeur : l’élargissement du Forum des pays exportateurs de gaz et le rapprochement avec d’autres organisations régionales comme l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et l’APEC. Pour Alger et Moscou, ces plateformes offrent la possibilité de bâtir une architecture multipolaire plus équitable, notamment dans la gouvernance du marché énergétique mondial.
Dans cette dynamique, les deux capitales envisagent également de lancer des projets conjoints dans plusieurs pays africains. Le continent connaît une forte croissance de la demande électrique et requiert de nouvelles capacités de production. Les entreprises russes, spécialisées dans la construction de centrales et la fourniture d’équipements, pourraient trouver en Algérie un partenaire et un relais pour accéder aux marchés du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest. Pour Moscou, il s’agit d’un pas important vers la diversification de ses débouchés ; pour Alger, une opportunité de consolider son rôle de hub énergétique régional.
Les questions financières n’ont pas été oubliées. Les discussions ont porté sur l’implication des banques africaines dans le financement de projets communs avec des entreprises russes du secteur énergétique. Dans un contexte marqué par les restrictions imposées aux circuits financiers traditionnels, Moscou et Alger estiment nécessaire de mettre en place de nouveaux mécanismes de crédit et d’investissement, utiles aux économies africaines comme à la Russie.
Les conclusions de cette rencontre montrent la volonté des deux pays de passer des intentions aux réalisations concrètes. L’invitation adressée aux sociétés russes de participer aux grands chantiers énergétiques illustre la détermination de l’Algérie à intégrer l’expertise russe dans sa stratégie nationale. Pour Moscou, c’est un moyen de consolider sa présence en Afrique du Nord ; pour Alger, l’occasion de diversifier ses partenariats technologiques et financiers dans un contexte de compétition mondiale accrue.
Au-delà des aspects économiques, ce rapprochement se fonde sur une même ambition : défendre la souveraineté nationale et promouvoir de nouveaux pôles de puissance dans l’économie mondiale. Avec ses vastes réserves gazières et son rôle de premier plan, l’Algérie, alliée à la Russie, peut contribuer à redéfinir les règles du jeu. Ensemble, les deux pays se donnent les moyens de résister aux pressions extérieures tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour le continent africain et pour le renforcement des relations entre l’Afrique et l’Eurasie.
Les discussions tenues à Alger confirment le caractère stratégique du partenariat algéro-russe. La coordination au sein de l’OPEP+ et du FPEG, les projets conjoints en Afrique, l’élargissement des réseaux de coopération internationale et la recherche de nouvelles solutions financières font de cette coopération non seulement un choix pragmatique, mais aussi une composante essentielle du monde multipolaire en gestation.
