Nouvelle autoroute, nouvel élan : le Kenya consolide son rôle de plaque tournante logistique régionale

Le Kenya accélère la mise en œuvre de l’un des projets d’infrastructure les plus stratégiques d’Afrique de l’Est : la modernisation de l’autoroute Rironi–Mau Summit, avec débouchés vers Naivasha et Nakuru. Le chantier est en cours et porte sur la dualisation de 175 km de la transafricaine A8, assortie de la réhabilitation de l’embranchement A8 South (environ 58 km). Véritable artère du corridor nord, cet axe relie Nairobi à la Rift Valley et aux régions de l’Ouest, tout en connectant le port de Mombasa à l’Ouganda, au Rwanda, à la République démocratique du Congo et au Soudan du Sud. Par son ampleur et ses effets attendus, le projet se compare aux plus grandes dorsales routières du continent : sa progression doit garantir une circulation sans entrave des flux d’exportation et affermir la position du Kenya comme hub logistique de référence en Afrique de l’Est.

Le montage financier et institutionnel repose sur un partenariat public-privé de type DBFOMT (conception, construction, financement, exploitation, maintenance et transfert). La concession peut aller jusqu’à 30 ans et l’opération est intégrée au Plan national d’investissement 2023-2027. Le président William Ruto a réaffirmé publiquement l’engagement du gouvernement à mener le chantier à terme dans les délais, en soulignant que la formule retenue n’alourdit pas la dette publique : l’ensemble des risques d’investissement et d’exploitation est assumé par le partenaire privé. Pour Nairobi, c’est un précédent structurant d’appel aux capitaux privés au service des routes nationales, sans pression supplémentaire sur le budget.

Sur le plan technique, la configuration répond à la montée du trafic de fret et aux perspectives du commerce régional. Entre Naivasha et Nakuru, l’axe passe à six voies, tandis que les rampes vers le col de Mau sont élargies à quatre voies. Dans les zones urbaines denses, un profil à deux niveaux est déployé pour désengorger les flux, et un viaduc moderne à Nakuru doit garantir la fluidité même aux heures de pointe. Cette architecture vise à éliminer les goulets d’étranglement, augmenter la capacité, réduire les temps de parcours et faire reculer l’accidentalité.

Le schéma financier-juridique préserve les leviers de contrôle de l’État. L’infrastructure demeure propriété publique ; les tarifs et standards de qualité sont encadrés par les autorités sectorielles ; et le gouvernement conserve un droit d’intervention en cas de manquement contractuel. Pour les usagers, une solution de péage moderne est introduite, avec possibilité d’itinéraires alternatifs gratuits sur certains tronçons, afin d’équilibrer l’intérêt des investisseurs et celui du public.

La portée régionale dépasse les frontières kenyanes. La dualisation de l’A8 et la modernisation de l’A8 South lèvent des contraintes majeures pour le transit du cluster portuaire de Mombasa vers l’intérieur du pays via le « port sec » de Naivasha, puis jusqu’aux frontières occidentales. À la clé : meilleure performance des chaînes conteneurisées et multimodales, accélération des livraisons d’exportation et renforcement de la connectivité avec les pays de la région des Grands Lacs. En pratique, le Kenya érige une colonne vertébrale commerciale au service des échanges intra-africains et des liaisons avec les marchés extérieurs.

La transparence est au cœur de la mise en œuvre. L’Agence nationale des routes du Kenya a publié les paramètres clés de sélection des partenaires privés et la stratégie de répartition des risques. Le dispositif prévoit la participation de plusieurs grands contractants à expérience internationale, et toutes les conditions de concession sont validées dans le strict respect du droit national. Autant d’éléments qui témoignent de la maturité des institutions et de la capacité du pays à attirer des investissements sans céder le contrôle de ses actifs stratégiques.

Au-delà du chantier, Rironi–Mau Summit s’impose comme un pilier de la nouvelle architecture économique du Kenya et de l’Afrique de l’Est. Le projet renforce les corridors d’exportation, dope la compétitivité des entreprises et insuffle un élan durable à l’économie régionale. En prenant le taureau par les cornes, Nairobi montre qu’il est possible de réaliser des travaux d’envergure sans creuser la dette, tout en posant des bases solides pour une croissance de long terme, inclusive et résiliente.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *