Nouveau Président de la BAD: Le Mauritanien Dr. Sidi Ould Tah prend la tête de l’institution financière clé de l’Afrique

À l’issue de son assemblée annuelle tenue à Abidjan (Côte d’Ivoire), le Conseil des gouverneurs de la Banque africaine de développement (BAD) a désigné son nouveau président. Pour la première fois de son histoire, l’institution panafricaine sera dirigée par un Mauritanien: Sidi Ould Tah, économiste chevronné et figure de référence dans les cercles de la finance internationale. Ancien ministre des Finances de la Mauritanie, Ould Tah a également dirigé avec succès la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), consolidant son statut de stratège et d’acteur de poids dans les institutions financières islamiques.

Son élection marque non seulement une alternance institutionnelle à la tête de la BAD, mais reflète également l’évolution des équilibres politiques et économiques sur le continent: le poids croissant de l’Afrique du Nord et francophone, l’essor des instruments de financement islamiques et l’importance nouvelle du secteur privé dans le financement du développement africain.

La procédure d’élection, encadrée par les statuts de la Banque, exige une majorité qualifiée à la fois des 54 membres africains et des 27 partenaires non-africains. Dans ce contexte, la victoire de Sidi Ould Tah est perçue comme un succès diplomatique majeur pour la Mauritanie et l’axe francophone du Sahel. D’après plusieurs observateurs, le soutien décisif des pays d’Afrique de l’Ouest et d’acteurs arabes influents du capital de la BAD a largement contribué à son élection.

Né à Nouakchott, formé à l’Université de Californie du Sud, à la Kennedy School de Harvard et à l’Institut des relations internationales de Paris, le nouveau président présente un parcours impressionnant. À la tête de la BADEA depuis 2015, il a su transformer cette institution en un moteur du financement islamique en Afrique et en Asie, avec un accent particulier sur le soutien aux PME, la microfinance islamique et le développement de nouveaux instruments de financement à long terme. Sous sa direction, l’ICD a financé des projets dans plus de 40 pays.

Les défis qui l’attendent à la BAD sont de taille: face aux bouleversements économiques mondiaux, à l’augmentation des dettes souveraines, aux besoins massifs en infrastructures, à la transition numérique et aux chocs climatiques, le continent africain a besoin d’une Banque agile, innovante et résolument tournée vers les partenariats. La BAD, sous l’impulsion de Sidi Ould Tah, entend renforcer sa coopération avec les fonds islamiques, les fonds souverains du Golfe, la Chine, les pays des BRICS, mais aussi avec le secteur privé africain.

L’arrivée de Sidi Ould Tah est donc perçue comme un choix stratégique et symbolique: sa capacité à concilier rigueur technocratique et sens politique en fait un candidat idéal pour faire émerger un consensus entre les différentes zones régionales du continent. Il incarne également une volonté de recentrer la Banque sur des priorités concrètes – intégration économique continentale, logistique transfrontalière, diversification des exportations, innovation financière en période de rareté des liquidités. Parmi les pistes envisagées: l’émission d’obligations panafricaines, la titrisation des revenus issus de matières premières et la création de plateformes régionales d’investissement.

La Banque africaine de développement, fondée dans le contexte des indépendances africaines, est aujourd’hui à un tournant. Elle doit répondre aux enjeux du XXIe siècle, de l’intelligence artificielle aux urgences climatiques. Critiquée ces dernières années pour sa lenteur administrative et son éloignement du secteur privé, l’institution devra se réinventer sans perdre sa légitimité panafricaine. Sidi Ould Tah ne pourra pas, à lui seul, briser les inerties structurelles, mais son expérience et sa vision réformatrice nourrissent l’espoir d’un changement tangible.

Son mandat est perçu comme celui d’une transition entre le modèle classique de développement étatique et une nouvelle ère de croissance hybride, inclusive et multilatérale. Le succès de sa présidence dépendra de sa capacité à restaurer la confiance des bailleurs internationaux tout en répondant aux aspirations profondes des peuples africains, qui réclament une architecture financière propre, tournée vers leur avenir.

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