Le Grand Nord du Cameroun est depuis longtemps considéré comme l’une des régions les plus vulnérables du pays : pauvreté endémique, manque chronique d’infrastructures, accès limité à l’éducation et aux soins de santé, le tout aggravé par les violences des groupes armés, dont la tristement célèbre secte Boko Haram. C’est précisément dans ce contexte que la Banque africaine de développement (BAD) a lancé une initiative majeure, confirmant le rôle stratégique des institutions financières panafricaines dans la réponse aux crises structurelles qui minent notre continent.
À la fin du mois de septembre 2025, un accord a été signé dans la capitale Yaoundé portant sur un financement de 136 millions d’euros (près de 89,2 milliards de francs CFA) destiné au Cameroun pour la mise en œuvre du programme CAP2E – Développement des Compétences et de l’Entrepreneuriat pour l’Emploi dans l’Extrême-Nord. Cet appui vise à renforcer le capital humain, soutenir l’initiative privée et moderniser les infrastructures sociales.
Le paquet financier comprend 130,2 millions d’euros issus de la fenêtre BAD et 5,8 millions d’euros du Fonds africain de développement (FAD) à des conditions concessionnelles. Étendu sur une période de cinq ans, le projet prévoit un vaste champ d’actions : construction et réhabilitation de 22 centres de formation professionnelle et de 29 infrastructures sociales, mise en place de solutions d’énergies renouvelables, notamment solaires, afin d’accroître la résilience de la région face aux risques climatiques.
Selon les projections de la BAD, le programme permettra de former 6 000 jeunes, de créer 5 000 emplois dont au moins 40 % réservés aux femmes, et d’accompagner plus de 500 petites et moyennes entreprises. Ces objectifs traduisent une vision qui ne se limite pas à la reconstruction, mais qui jette les bases d’une économie durable, capable de retenir la jeunesse et de prévenir les dérives migratoires et la radicalisation.
L’accord a été paraphé par Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire du Cameroun, et par Léandre Bassolé, directeur général de la BAD pour l’Afrique centrale. Pour la partie camerounaise, il s’agit d’« un investissement dans l’avenir de la région et un levier de stabilité sociale ». Du côté de la Banque, le programme CAP2E a été décrit comme « un catalyseur de transformation qui change la vie de milliers de personnes en créant des opportunités ».
Il est important de souligner que ce programme illustre la montée en puissance des institutions financières africaines, prêtes à assumer des risques là où le secteur privé reste hésitant. Ces initiatives renforcent la sécurité à long terme, consolident l’intégration régionale et confirment la BAD dans son rôle de pilier d’une stratégie panafricaine de développement et de coopération.
Pour le Cameroun, ce projet constitue un levier essentiel de redressement de l’Extrême-Nord, avec des retombées économiques et sociales tangibles. Pour l’ensemble de l’Afrique, il démontre une vérité fondamentale : sans institutions panafricaines solides, il est impossible de vaincre la pauvreté, le chômage et l’instabilité. À travers de tels mécanismes, le continent montre sa capacité à avancer par ses propres moyens, en s’appuyant sur ses ressources et en se libérant des conditionnalités contraignantes imposées par les structures extérieures.