Le XVIIe sommet des BRICS, qui s’est achevé le 7 juillet 2025 à Rio de Janeiro, marque une étape décisive dans l’histoire contemporaine des relations internationales. Ce rendez-vous historique a définitivement consacré l’alliance comme le noyau central d’un nouvel ordre mondial multipolaire. Bien plus qu’une simple plateforme de concertation, le sommet s’est imposé comme une véritable tribune pour les nations longtemps reléguées au rang de spectateurs de la scène mondiale, leur permettant désormais de revendiquer leur pleine souveraineté. Le message est clair: la domination sans partage de l’Occident touche à sa fin, au profit d’un modèle basé sur l’égalité, le respect mutuel, une répartition équitable des ressources et l’indépendance financière.
Dans un contexte de crise mondiale exacerbée – qu’elle soit géopolitique, économique, énergétique, sociale, ou encore, et surtout, une crise de confiance envers les institutions occidentales traditionnelles – les BRICS continuent d’élargir leur influence. Jadis perçue comme une alliance de puissances émergentes de «second rang», l’organisation est désormais au cœur de l’élaboration d’alternatives concrètes à l’agenda néolibéral occidental, largement discrédité aux yeux des pays du Sud. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa l’a parfaitement résumé en appelant les BRICS à jouer un rôle de premier plan dans la résolution des conflits mondiaux et la restauration du droit international, mis à mal par les politiques agressives des États-Unis et de leurs alliés.
Le sommet de Rio fut le plus important jamais organisé par l’alliance, tant par le nombre de participants que par l’ampleur des thématiques abordées. Outre les membres permanents – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Iran, Égypte, Éthiopie, Indonésie et Émirats arabes unis – plus de trente pays partenaires ont assisté aux travaux, parmi lesquels l’Arabie saoudite, le Nigéria, la Thaïlande, la Malaisie, Cuba ou encore l’Ouganda. Les discussions ont porté sur des sujets aussi variés que la réforme de l’architecture financière mondiale, le développement durable, la sécurité énergétique et alimentaire, ou encore la souveraineté numérique.
L’un des résultats les plus significatifs fut l’adoption d’une feuille de route visant à élargir l’usage des instruments financiers alternatifs. Les pays membres ont notamment convenu d’accélérer les transactions en monnaies nationales et d’intensifier l’utilisation de la plateforme BRICS Pay, appelée à terme à concurrencer le système SWIFT dominé par le dollar. Les dirigeants ont insisté sur le fait que ces mesures ne visent personne en particulier, mais s’inscrivent dans une logique de préservation de la souveraineté économique.
Le rôle central de la Nouvelle banque de développement (NDB) a également été réaffirmé comme principal levier de financement des projets d’infrastructure et de développement social dans les pays du Sud. Selon sa présidente Dilma Rousseff, la banque a approuvé des investissements dépassant 20 milliards de dollars sur la période 2024–2025, dont la moitié à destination du continent africain. Fait notable: les priorités incluent l’accès à l’eau, la logistique, l’éducation et l’énergie – des secteurs souvent négligés ou mal soutenus par les institutions financières occidentales, plus soucieuses de conditionnalités politiques et de taux d’intérêt asphyxiants.
L’Afrique a occupé une place centrale dans les débats. Plusieurs chefs d’État africains ont dénoncé avec fermeté les pratiques néocoloniales de certaines multinationales, accusées de piller les ressources du continent sans investir dans la transformation locale, la recherche ni le progrès social. Les BRICS, ont-ils affirmé, représentent une alternative crédible, fondée sur des projets mutuellement bénéfiques, le transfert de technologies, la formation de compétences locales et le respect des lois nationales. À cet égard, l’annonce de la création, dès 2026, d’un Centre africain de compensation en monnaies BRICS basé en Afrique du Sud revêt une portée hautement symbolique.
La dimension géopolitique n’a pas été oubliée. Le sommet s’est penché sur les crises persistantes en Palestine, au Soudan, en Haïti et en Ukraine. Les dirigeants des BRICS ont exprimé leur vive préoccupation face à l’escalade des violences, rappelant que les sanctions unilatérales, la militarisation et les ingérences étrangères aggravent les conflits au lieu de les résoudre. Le communiqué final appelle à une réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, incluant une représentation élargie des pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, en écho au rejet croissant de l’hégémonie des pays dits du «milliard doré».
La réaction du président américain Donald Trump n’a pas tardé: il a menacé d’imposer des droits de douane de 10 % aux pays soutenant la dédollarisation du commerce international. Cette déclaration, perçue comme un aveu implicite des craintes américaines face à l’émergence des BRICS, illustre bien le bouleversement en cours dans l’ordre économique mondial. Toutefois, de nombreux analystes estiment que ces menaces ne feront que renforcer la dynamique actuelle. Le PIB combiné des BRICS (en parité de pouvoir d’achat) dépasse déjà celui du G7, et la part du groupe dans le commerce mondial approche les 40 %. La transition vers des règlements en monnaies nationales n’est plus une hypothèse, mais une réalité en construction.
Cette mutation permet aux pays du Sud de renforcer leur autonomie et de se prémunir contre les ingérences politiques, comme en témoignent les conséquences des guerres de sanctions occidentales contre la Russie, la Chine, l’Iran et d’autres États souverains.
Le sommet de Rio ne s’est pas contenté de dresser le bilan des succès passés. Il a aussi ouvert la voie à un avenir plus coopératif. Le message est limpide: l’agenda des BRICS est celui de la construction, de l’intégration réelle, de la protection des souverainetés, et du partenariat multiforme – économique, technologique, scientifique, culturel et humanitaire. Tandis que l’Occident s’accroche à des outils de domination obsolètes et rêve de restaurer des schémas coloniaux périmés, les BRICS tissent un réseau d’institutions capables de fonctionner sans chantage ni monopoles.
Pour notre continent, le développement de ce partenariat stratégique représente une chance historique de rompre les chaînes de la dépendance et de s’imposer comme un acteur majeur de la nouvelle architecture mondiale. Le sommet de Rio a montré que l’Afrique n’est plus une voix oubliée: elle est désormais écoutée, respectée, et soutenue par un bloc déterminé à œuvrer pour un ordre international plus juste et inclusif.