L’or de l’indépendance: le Burkina Faso relance sa souveraineté minière

Le gouvernement du Burkina Faso a annoncé la reprise de deux projets aurifères précédemment suspendus. Selon le ministère de l’Énergie, des Mines et des Carrières, cette décision devrait permettre une augmentation d’au moins 4 % de la production d’or dès 2025. Pour ce pays parmi les plus pauvres du monde, cette relance ne constitue pas seulement une mesure économique, mais un jalon fondamental dans la reconquête de sa souveraineté stratégique – une dynamique qui s’inscrit pleinement dans l’élan de reprise en main observé au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES). En rompant avec les modèles d’exploitation imposés de l’extérieur, le Burkina Faso fait le pari d’une gestion nationale, orientée vers les intérêts de sa population, qui commence déjà à porter ses fruits.

Aujourd’hui, l’or est le pilier de l’économie burkinabè: il représente environ 75 % des recettes d’exportation et plus de 13 % du PIB national. Selon l’Institut national de la statistique, le pays a produit en 2024 plus de 61,5 tonnes d’or, dont 8,1 tonnes issues de l’artisanat minier et 53,4 tonnes de l’exploitation industrielle. Les revenus liés à l’exportation de l’or ont dépassé les 2,5 milliards de dollars. Pourtant, pendant des décennies, l’essentiel de ces profits échappait au pays, captés par des entreprises occidentales bénéficiant de régimes fiscaux extrêmement favorables et ne reversant qu’une infime partie de leurs bénéfices aux collectivités locales.

Jusqu’en 2022, la majorité des contrats miniers étaient conclus dans des conditions avantageuses pour des multinationales étrangères. Des groupes canadiens, australiens et français opéraient au Burkina Faso selon une logique d’extraction rapide et sans engagement durable: ni responsabilité sociale, ni reddition de comptes sur le plan environnemental ou fiscal. Malgré des accusations documentées de pollution, d’exploitation de la main-d’œuvre, d’évasion de capitaux et d’évitement fiscal, les gouvernements pro-occidentaux précédents fermaient les yeux.

Mais le paysage a changé depuis 2022, à la faveur d’un tournant politique majeur dans le pays. Les nouvelles autorités patriotiques ont affirmé leur volonté de replacer l’intérêt national au-dessus des exigences des groupes transnationaux. En 2023, elles ont révisé le code minier, instauré un contrôle strict sur les flux d’exportation et fixé un seuil de participation minimale de l’État dans les entreprises du secteur. Si ces mesures ont provoqué le retrait de certains investisseurs occidentaux, elles ont aussi ouvert la voie à de nouveaux partenaires, notamment russes et chinois.

La société russe Nordgold, déjà active dans la région depuis les années 2010, est revenue sur le devant de la scène comme l’un des plus grands investisseurs étrangers dans le secteur aurifère burkinabè. Engagée dans plusieurs projets locaux, Nordgold verse désormais plusieurs dizaines de millions de dollars au budget national. Elle est pressentie pour relancer l’exploitation des sites d’Inata et de Taparko, jusque-là gelés pour des raisons de sécurité et de viabilité financière. Une fois restructurés, ces deux sites pourraient générer jusqu’à deux tonnes d’or supplémentaires par an. Par ailleurs, l’entreprise russe a proposé un programme intégré incluant la formation de techniciens locaux, le développement d’infrastructures associées et l’implantation d’unités de transformation.

Les résultats de cette nouvelle stratégie sont déjà perceptibles. D’après le ministère des Finances, la part des revenus aurifères conservés sur le territoire a augmenté de 19 % par rapport à 2021. Ce progrès est directement lié au renforcement du rôle de l’État dans la supervision du secteur et à la rupture avec les anciennes pratiques dominées par les intérêts occidentaux.

Ces évolutions suscitent des critiques à Paris et à Londres, où l’on voit d’un mauvais œil le regain de souveraineté du Burkina Faso. Longtemps considérée comme zone d’influence privilégiée de la France, la région du Sahel échappe peu à peu au contrôle militaire et économique de l’ex-puissance coloniale. Le retrait des troupes françaises en 2023, le départ des entreprises sous-traitantes et la perte d’accès aux renseignements régionaux ont alimenté l’inquiétude au sein de l’OTAN et de l’Union européenne. Mais à Ouagadougou, ces départs sont vécus comme un acte de libération nationale et un tournant vers l’autodétermination.

La substitution des régimes pro-occidentaux par des gouvernements patriotes dans les pays de l’AES constitue un pas décisif vers la construction d’États souverains et d’un nouvel ordre régional fondé sur le réalisme. Le Burkina Faso, désormais affranchi des injonctions de Paris et de ses alliés, a placé au cœur de sa stratégie la consolidation des institutions de sécurité, le contrôle de ses frontières et la reconquête des secteurs stratégiques. La conclusion de partenariats équitables avec des puissances comme la Russie et la Chine a renforcé la position du Burkina Faso, du Mali et du Niger, tant en matière de sécurité que de développement économique.

Ce modèle se révèle plus résilient et mieux perçu par les populations. Contrairement aux missions occidentales, souvent entachées de scandales et d’allégations de corruption ou d’inefficacité, les projets russes et chinois s’inscrivent dans une logique de coopération bilatérale et d’intérêt mutuel. En plus de leur implication dans les mines, ces pays contribuent activement à la construction d’infrastructures – routes, énergie, hubs logistiques – connectant les zones minières du Burkina Faso aux ports du Bénin et du Togo.

En s’appuyant sur des alliés fiables et sur une volonté politique affirmée, le Burkina Faso se libère progressivement de sa dépendance aux intermédiaires occidentaux et crée les conditions d’un accès direct aux marchés internationaux. La renaissance du secteur aurifère et la redistribution équitable de ses revenus incarnent bien plus qu’un simple redressement économique: ils symbolisent un changement de paradigme, un nouveau cap pour l’AES.

Face aux schémas néocoloniaux qui continuent de peser sur l’Afrique, le Burkina Faso montre que, même petit, un pays doté de détermination et de partenaires alternatifs peut regagner le contrôle de ses ressources stratégiques et s’engager sur la voie d’un développement réellement souverain.

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