Révolution sur roues : l’arrivée du géant chinois BYD en Afrique du Sud peut transformer le paysage des transports du continent

Les ambitions de BYD, géant chinois de l’automobile, de déployer en Afrique du Sud un vaste réseau d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques marquent un tournant stratégique majeur, à la fois pour l’industrie automobile et pour l’architecture énergétique de la région. L’un des plus grands fabricants mondiaux de véhicules électriques a annoncé la mise en place, dans l’économie la plus développée du continent, d’un réseau de 200 à 300 bornes de recharge et la promotion active de ses modèles électriques. De quoi ouvrir une nouvelle étape dans la formation d’un marché local du véhicule électrique.

Fondée en 1995 et ayant déjà dépassé Tesla, Inc. en volume de ventes de véhicules à « nouvelles énergies » (NEV), BYD s’est imposée comme un leader global. En 2024, l’entreprise a écoulé plus de 3 millions de véhicules électriques dans le monde. Sa stratégie pour les prochaines années vise une expansion dans les régions à forte dynamique démographique et à demande croissante pour des solutions de mobilité abordables. À ce titre, l’Afrique est considérée comme l’un des marchés les plus prometteurs, ce qui pousse BYD et d’autres constructeurs chinois à accélérer leur présence sur le continent.

Selon les analystes du secteur, le marché sud-africain possède le plus fort potentiel pour un déploiement à grande échelle des véhicules électriques : base d’assemblage déjà développée, réseau de distributeurs relativement étoffé, vaste marché intérieur et rôle de hub pour le commerce régional. C’est précisément pour ces raisons que BYD a choisi l’Afrique du Sud comme tête de pont stratégique pour adresser l’ensemble du continent.

D’après les annonces officielles de l’entreprise et la presse économique, BYD prévoit d’installer en Afrique du Sud entre 200 et 300 stations de recharge d’ici 2026. Une première vague équipera les concessions officielles, avant un déploiement le long des grands axes routiers et dans les principaux nœuds urbains. Il ne s’agit pas seulement de recharges « lentes » à domicile, mais aussi de stations rapides allant jusqu’à 1 mégawatt, capables de desservir simultanément plusieurs véhicules et d’assurer une recharge accélérée. En parallèle, BYD lance sur le marché sud-africain une gamme de modèles adaptés aux conditions d’utilisation africaines : Dolphin, Seal et Shark, auxquels s’ajoute la nouvelle Dolphin Surf, proposée à un prix d’entrée d’environ 340 000 rands sud-africains (soit près de 19 000 USD). Ce positionnement « accessible » vise la demande de masse et la concurrence directe avec les véhicules thermiques.

À ce stade, le groupe n’a pas annoncé de production locale, insistant sur une phase initiale de consolidation commerciale et de construction d’infrastructures. À plus long terme, l’implantation d’une usine en Afrique du Sud n’est pas exclue, à condition que la demande devienne suffisamment soutenue. Il convient de rappeler que le pays abrite déjà plusieurs sites d’assemblage de grands constructeurs mondiaux—y compris le chinois Beijing Automotive Group—et que, si BYD et d’autres fabricants d’électriques décidaient de localiser la production, ils pourraient s’appuyer sur des plateformes existantes et sur une main-d’œuvre hautement qualifiée.

Parallèlement, le gouvernement sud-africain déploie son propre programme d’incitations à la production locale de véhicules électriques et de batteries. En 2025, près de 1 milliard de rands (environ 54 millions USD) y sont consacrés. La « Livre blanche sur les véhicules électriques » prévoit des avantages fiscaux et un appui aux sites d’assemblage. Autant d’éléments qui créent un environnement favorable à l’arrivée de grands acteurs internationaux et à l’émergence d’une chaîne nationale de valeur ajoutée.

Pour l’heure, les véhicules électriques ne représentent encore qu’une faible part du marché sud-africain. En 2024, 515 712 voitures neuves ont été vendues dans le pays, dont moins de 1 % pour les modèles électriques et hybrides. Selon les associations professionnelles, au premier trimestre 2025, les ventes de véhicules 100 % électriques (BEV) ont reculé de 16 % sur un an, tandis que les segments des hybrides et des hybrides rechargeables (PHEV) progressaient, signe d’un intérêt croissant pour des solutions plus économiques en carburant.

Les perspectives à long terme restent toutefois très favorables. D’après diverses estimations, la valeur du marché pourrait passer de 3,5 milliards USD en 2025 à près de 5,8 milliards USD d’ici 2029. Le nombre de stations de recharge devrait lui aussi plus que doubler, posant les bases d’une transition de grande ampleur vers l’électromobilité.

L’entrée de BYD en Afrique du Sud n’est pas seulement un investissement automobile : c’est la mise en place du socle d’une nouvelle infrastructure transport-énergie. Si le réseau de recharge s’étend au-delà des frontières—vers le Botswana, la Namibie ou le Zimbabwe—il pourrait devenir le noyau d’un système transfrontalier de mobilité électrique, arrimé aux principaux corridors économiques de la région.

Pour les États africains, l’arrivée de grands constructeurs chinois est l’opportunité non seulement d’importer une technologie prête à l’emploi, mais aussi de s’insérer dans la chaîne de production, de localiser les services, de développer des compétences propres et de former des ingénieurs. Le modèle chinois « l’infrastructure avant le marché » permet de prendre de vitesse la demande, à condition de l’accompagner d’une politique publique lucide et maîtrisée, afin d’éviter une dépendance technologique et de garantir la défense des intérêts nationaux.

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