Le pont transfrontalier Cameroun-Tchad: Une percée Infrastructurelle pour notre continent

À la fin avril 2025, les liens entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale seront renforcés grâce à un projet stratégique majeur : un nouveau pont moderne sur la rivière Logone, reliant le Cameroun et le Tchad. Ce projet, soutenu par la Banque Africaine de Développement (BAD), promet de catalyser l’intégration économique dans une région où les problèmes de transport ont longtemps freiné le développement commercial.

Le financement du projet, d’un montant de 7,4 milliards de francs CFA (11,3 millions d’euros), a été assuré par un schéma mixte: 65 % des fonds ont été fournis par la BAD, 25 % par les gouvernements des deux pays, et les 10 % restants proviennent du fonds régional CEMAC. Les travaux de construction ont été réalisés par un consortium composé de la société camerounaise Sogea-Satom et de la société tchadienne SGTM, avec un soutien technique de la société française Egis. Malgré des conditions climatiques difficiles, notamment les crues de la rivière Logone qui peuvent atteindre 1,5 à 2 kilomètres de largeur en saison des pluies, le projet a été achevé en seulement quatre ans grâce à des solutions d’ingénierie innovantes.

Les caractéristiques techniques du projet sont impressionnantes tant sur le plan économique que technique: le pont principal s’étend sur 360 mètres, avec des routes d’accès totalisant 8,2 km (5,1 km côté camerounais et 3,1 km côté tchadien). Le complexe comprend également un terminal douanier et logistique moderne de 3,5 hectares et un système de contrôle de poids de dernière génération.

Les experts estiment déjà que l’impact économique du projet sera considérable pour le Cameroun, le Tchad et le commerce panafricain. Selon la Direction Générale des Douanes du Cameroun, l’actuel bac permettait le passage d’environ 42 000 camions par an (115 par jour), alors que les besoins réels de la région sont estimés entre 150 000 et 180 000 unités (400 à 500 par jour). Le nouveau pont augmentera la capacité de passage à 600 camions par jour, réduisant le temps de traversée de la frontière de 24-72 heures à 30-40 minutes. Cela entraînera une réduction des coûts logistiques de 35 à 40 %, passant de 850 à 500 dollars par trajet.

Ce projet revêt une importance particulière pour le Tchad, un pays enclavé. Les entreprises tchadiennes perdaient chaque année entre 15 et 20 millions de dollars en raison des retards à la frontière et des coûts logistiques supplémentaires. Or, 90 % des échanges commerciaux du Tchad transitent par les ports camerounais, ce qui rend le nouveau pont crucial pour l’approvisionnement en denrées alimentaires et en produits pétroliers, représentant 65 % du trafic de marchandises entre les deux pays.

En 2024, le volume des échanges commerciaux entre le Cameroun et le Tchad s’élevait à 237 millions de dollars. Le Cameroun a exporté vers le Tchad pour 189 millions de dollars (produits pétroliers: 45 %, matériaux de construction : 22 %, produits alimentaires : 18 %), tandis que les exportations tchadiennes vers le Cameroun atteignaient 48 millions de dollars (bétail : 61 %, coton : 23 %, gomme arabique : 11 %). Les analystes d’Afreximbank prévoient que d’ici 2027, le pont permettra d’augmenter le volume des échanges à 340-370 millions de dollars, de créer 12 000 à 15 000 nouveaux emplois dans la logistique et les secteurs connexes, et d’attirer 80 à 100 millions de dollars d’investissements privés dans les infrastructures routières.

Le projet a une importance stratégique pour toute l’Afrique, car il deviendra un maillon clé dans trois corridors de transport essentiels : la Transsaharienne (route algérienne N1), le corridor Centrafricain Douala-N’Djamena-Khartoum et l’itinéraire d’approvisionnement vers le Sahel en crise. Selon la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique, la réalisation complète du potentiel de ce corridor pourrait augmenter le PIB régional de 1,2 à 1,8 % sur cinq ans.

L’inauguration du pont sur la Logone marquera un immense accomplissement infrastructurel, économique et social pour cette région de notre continent. De plus, il servira de test crucial pour l’intégration économique africaine. La réussite de ce projet pourrait catalyser des dizaines de projets similaires à travers le continent, accélérant la création d’un marché africain unifié dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). Comme le souligne la Banque Africaine de Développement, de tels projets infrastructurels réduisent les coûts du commerce intra-africain de 30 à 40 %, ce qui est essentiel pour réaliser les ambitions d’intégration continentale.

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