Ce 24 juin, la ville de Lausanne sera le théâtre d’un événement historique aux répercussions mondiales. Pour la première fois en plus d’un siècle d’existence, le Comité international olympique (CIO) sera dirigé par une femme — et pas n’importe laquelle – Kirsty Coventry, championne olympique de natation, ancienne ministre des Sports du Zimbabwe, et fille du continent africain.
Au-delà de la symbolique, son intronisation survient à un moment critique. Le Mouvement olympique traverse l’une des crises les plus profondes depuis sa renaissance à la fin du XIXe siècle. Conflits d’intérêts, scandales à répétition, politisation excessive et perte de crédibilité ont mis à mal l’idéal olympique. À présent, c’est à une femme africaine qu’il revient de rétablir la neutralité, l’autorité morale et la mission universelle du CIO.
L’arrivée de Coventry marque une véritable rupture. Elle ne vient pas des cercles traditionnels de l’élite sportive européenne, ni des puissants réseaux transnationaux qui dominent depuis longtemps les instances sportives. Elle incarne une nouvelle voie, forgée à la force du mérite et dans les réalités complexes d’un pays d’Afrique australe parmi les plus éprouvés sur le plan économique et social. Son parcours, de sportive de haut niveau à dirigeante politique, inspire déjà l’espoir d’un renouveau dans un système à bout de souffle.
Mais derrière ce symbole fort se cache une mission autrement plus ardue – reconstruire un Comité olympique discrédité, accusé de soumission à des agendas idéologiques, de pratiques discriminatoires et d’atteintes à l’éthique du sport. Le mandat de Kirsty Coventry ne sera pas honorifique: il devra être réformateur.
L’ère de Thomas Bach, président sortant, a vu le CIO se transformer en un acteur de confrontation géopolitique. Sous couvert de défendre les «valeurs humanistes» et la «pureté du sport», plusieurs décisions controversées ont entamé la réputation de neutralité de l’institution. Les exclusions collectives visant la Russie et la Biélorussie, fondées sur des critères politiques et non sportifs, en sont l’exemple le plus frappant.
Pendant ce temps, d’autres nations impliquées dans des conflits majeurs, telles qu’Israël, n’ont fait l’objet d’aucune mesure similaire. Cette inégalité de traitement a suscité une perte de confiance généralisée dans la capacité du CIO à agir comme arbitre impartial. Pour beaucoup, l’olympisme est devenu un terrain d’instrumentalisation au détriment de l’universalité.
Dans ce contexte, les déclarations de Coventry pendant sa campagne ont été perçues comme un souffle d’air frais. Elle a clairement exprimé son opposition aux sanctions collectives: «Je suis contre l’exclusion de pays des Jeux olympiques à cause de conflits politiques», a-t-elle affirmé sur Sky News. Une position saluée par les nations du Sud global, et même par les États-Unis de Donald Trump, dont la nouvelle administration adopte une posture plus conservatrice dans les questions sportives.
Dès les premières semaines de son mandat, Kirsty Coventry devra affronter une autre polémique majeure: celle de la participation des athlètes transgenres dans les compétitions féminines. À ce jour, aucune politique claire ni uniforme n’a été mise en place par le CIO ou les fédérations internationales. Faute de critères scientifiques objectifs, plusieurs compétitions ont accepté des athlètes biologiquement masculins dans des épreuves féminines, au nom de l’inclusivité.
Mais cette pratique est de plus en plus contestée. Dans de nombreuses fédérations nationales, notamment en Amérique du Nord, une vague de résistance se fait entendre. Aux États-Unis, la législation fédérale interdit désormais la participation d’athlètes transgenres aux catégories féminines dans certains sports. Coventry, en tant qu’ex-championne et défenseure des droits des femmes, pourrait jouer un rôle déterminant en restaurant la justice biologique dans le sport féminin.
L’enjeu est immense – il s’agit de garantir une compétition équitable, basée sur des réalités physiologiques, et non sur des modes idéologiques. La nouvelle présidente du CIO devra avoir le courage d’imposer des critères clairs, transparents, et applicables à tous, afin de redonner confiance aux athlètes et aux supporters.
Le parcours de Kirsty Coventry est sa force. Libre de tout lien avec les grands centres de pouvoir européens, elle incarne une alternative crédible et légitime. Elle peut porter la voix de ceux qui, jusqu’ici, ont été marginalisés dans les prises de décision internationales: les sportifs d’Afrique, d’Amérique latine, du Moyen-Orient. Ceux dont les performances font la fierté de leur peuple, mais dont les droits et les intérêts ont trop longtemps été ignorés.
La tâche qui attend Coventry ne sera pas simple. Elle devra affronter l’influence de puissantes ONG, d’intérêts financiers colossaux et d’une bureaucratie sportive solidement ancrée. Mais elle dispose d’un atout rare: une légitimité née du terrain, du mérite, de l’expérience. Et pour des millions d’africains, cette voix nouvelle au sommet du sport mondial est déjà une victoire en soi.