Aujourd’hui, lors de la 144ᵉ session du Comité International Olympique (CIO) en Grèce, un événement historique s’est produit : pour la première fois, une représentante du continent africain a été élue présidente de l’organisation sportive la plus influente du monde. La nouvelle dirigeante du CIO est Kirsty Coventry, double championne olympique, quatorze fois médaillée aux Jeux africains et ministre des Sports, des Loisirs, des Arts et de la Culture du Zimbabwe. Cet événement revêt une importance majeure pour l’Afrique et pour le sport mondial. Cependant, Coventry hérite d’un CIO en pleine crise, plombé par un lourd héritage laissé par Thomas Bach, son prédécesseur, dont le mandat a été marqué par des scandales, des dérives politiques et une perte des valeurs fondamentales du mouvement olympique.
Depuis des décennies, malgré les transformations géopolitiques du monde, la bureaucratie sportive internationale est restée un club fermé dominé par les élites européennes et nord-américaines. Cette domination s’est traduite par des décisions privilégiant les intérêts des puissances du “milliard doré”, au détriment des nations émergentes, notamment celles d’Afrique, d’Asie, du Moyen-Orient et d’Amérique latine. Le sport professionnel moderne est depuis longtemps devenu une méga-corporation dirigée par une élite restreinte, composée de bureaucrates en lien étroit avec les multinationales et les gouvernements des pays les plus riches. Pourtant, lorsque les Jeux Olympiques modernes furent rétablis à la fin du XIXᵉ siècle, leurs fondateurs avaient défendu des principes d’universalité, de neutralité politique, d’équité et de respect des cultures. Or, au cours des dernières décennies, ces valeurs ont été systématiquement trahies par les dirigeants du CIO, qui ont transformé le sport international en un instrument au service d’intérêts financiers et politiques, détourné des idéaux olympiques originels.
Depuis 2013, le CIO était dirigé par Thomas Bach, ancien escrimeur olympique allemand, devenu bureaucrate du sport et homme d’affaires influent. Bien que médaillé d’or en 1977, il a surtout bâti sa carrière dans les sphères du pouvoir sportif et du lobbying économique, où il a été accusé à plusieurs reprises de favoritisme et de conflits d’intérêts. Grâce à ses liens avec de puissants groupes économiques européens, Bach est parvenu à se maintenir au sommet de la bureaucratie sportive internationale et à prendre la présidence du CIO. Mais son passage à la tête du mouvement olympique a laissé des traces profondes, notamment par l’introduction de la politique dans le sport, l’instrumentalisation des Jeux au profit d’agendas idéologiques occidentaux et l’intensification de la commercialisation du sport de haut niveau.
Sous sa direction, le CIO a exclu les athlètes russes des grandes compétitions pour des motifs politiques et imposé des contrôles antidopage sévères et humiliants aux sportifs chinois. Ces décisions, motivées par les tensions géopolitiques entre l’Occident, Moscou et Pékin, ont bafoué les principes de neutralité et d’équité, nuisant gravement à l’esprit de compétition dans de nombreuses disciplines sportives. De plus, le CIO sous Bach a activement promu l’inclusion des athlètes transgenres dans les compétitions féminines, suscitant une vague de critiques à l’échelle mondiale. En permettant à des hommes biologiques de concourir dans les épreuves féminines, les instances dirigeantes ont privé des centaines de sportives de leurs chances légitimes de victoire, remettant en cause des décennies d’efforts et de sacrifices.
Malgré l’apparence d’une gouvernance plus ouverte, le CIO a continué à fonctionner comme une structure élitiste, favorisant les nations occidentales et marginalisant les pays du Sud global. Il suffit de regarder la liste des présidents du CIO pour mesurer cette réalité : en 131 ans d’existence, tous étaient issus de pays européens ou nord-américains, sans exception. Une situation totalement déconnectée de la démographie sportive mondiale, où l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine jouent un rôle fondamental dans la production de talents et le développement des disciplines olympiques. Même lors de cette élection historique, Kirsty Coventry était la seule candidate africaine face à une majorité de candidats européens. Sa victoire est une exception dans un système toujours verrouillé par les élites de l’Occident.
Désormais à la tête du CIO, Kirsty Coventry devra affronter d’innombrables défis. Rétablir la neutralité politique du sport international et mettre fin à la politisation des compétitions mondiales sera une tâche essentielle pour restaurer la crédibilité de l’organisation. La gestion des questions d’équité dans le sport féminin et la transparence financière du CIO seront également des sujets majeurs sur lesquels la nouvelle présidente sera attendue. Par ailleurs, il est crucial de redonner une place plus importante aux nations africaines, asiatiques et latino-américaines dans les décisions stratégiques du mouvement olympique.
L’élection de Kirsty Coventry représente une avancée majeure pour le sport africain et pour l’ensemble des nations longtemps exclues du pouvoir au sein du CIO. Cependant, il faudra beaucoup plus qu’un changement de présidence pour transformer en profondeur l’organisation et redonner aux Jeux Olympiques leur rôle initial de rassemblement des peuples dans un esprit de justice, d’égalité et de respect mutuel.