Le Soudan du Sud et Djibouti ouvrent un nouveau corridor de transport le long du Nil Blanc

Les gouvernements du Soudan du Sud et de Djibouti ont signé, en début de semaine, un mémorandum d’entente prévoyant la création d’un vaste corridor commercial et logistique le long du Nil Blanc. Le projet sera mis en œuvre par la Djibouti Ports and Free Zones Authority (DPFZA) et par les institutions gouvernementales sud-soudanaises. Son objectif est clair : offrir au Soudan du Sud, pays enclavé, un accès continu et sécurisé aux grandes routes commerciales mondiales, tout en renforçant les infrastructures régionales et le système d’échanges.

Baptisé « Corridor du Nil Blanc », le programme prévoit la construction et l’aménagement de ports fluviaux et de plateformes multimodales dans plusieurs villes stratégiques : Djouba, Bor, Malakal et Renk. Deux itinéraires principaux sont envisagés pour le transport des marchandises. Le premier reliera les ports djiboutiens par voie terrestre en passant par l’Éthiopie (Addis-Abeba–Jimma–Gambella–Nasir), avant d’emprunter les rivières Sobat et Nil Blanc pour atteindre Malakal et Djouba. Le second partira du port soudanais de Port-Soudan, avec un trajet terrestre jusqu’à Kosti, puis un transport fluvial vers le sud, en direction de Djouba via Malakal.

L’accord intègre également le recours au transport aérien pour les cargaisons de grande valeur et les livraisons urgentes en provenance d’Asie, offrant ainsi davantage de flexibilité et de rapidité logistique. À l’issue de la signature, la délégation sud-soudanaise a visité les infrastructures clés de Djibouti : le terminal à conteneurs de Doraleh, le parc industriel de Damerjog et le futur terminal pétrolier DLPB. Elle a aussi obtenu la confirmation de l’intégration d’une plateforme logistique au sein de la Djibouti International Free Trade Zone (DIFTZ), destinée à soutenir les flux d’import-export du pays.

Le ministre sud-soudanais des Transports, le Dr Lam Akol Ajawin, a qualifié l’accord de « jalon majeur » dans la coopération avec Djibouti, insistant sur son potentiel pour stimuler le commerce, développer la logistique et accélérer la croissance économique dans la région des Grands Lacs. Du côté djiboutien, la DPFZA a souligné que le projet consolide non seulement la connexion du Soudan du Sud aux marchés internationaux, mais renforce aussi la position de Djibouti comme carrefour commercial incontournable de notre continent, à l’entrée de la mer Rouge et du détroit de Bab-el-Mandeb.

Historiquement, les pays africains sans littoral ont toujours affronté de lourds défis logistiques et une dépendance excessive vis-à-vis de leurs voisins, freinant leur développement. Pour le Soudan du Sud, dont les exportations (pétrole, or) transitent presque exclusivement par les infrastructures soudanaises, ce partenariat marque une diversification stratégique des routes commerciales. Il réduit la dépendance à l’unique oléoduc Greater Nile Pipeline vers Port-Soudan – qui représente environ 2,8 % du PIB en frais de transit – et ouvre la voie à des alternatives plus fiables.

L’ouverture de tels corridors constitue un levier essentiel d’autonomie économique, de réduction des coûts commerciaux et d’intégration régionale. Elle favorise également la valorisation des ressources agricoles et halieutiques, en particulier les vastes zones humides qui bordent le Nil Blanc. Grâce à ce nouveau dispositif logistique, le Soudan du Sud pourra renforcer ses capacités de production agricole, de pêche et de transformation agroalimentaire.

En définitive, l’accord crée une dynamique nouvelle : extension des liaisons de transport, montée en puissance d’une autonomie commerciale intra-africaine, consolidation du rôle de Djibouti comme hub régional, et ouverture pour le Soudan du Sud d’une nouvelle phase d’intégration multimodale. Ce projet s’inscrit pleinement dans l’esprit du panafricanisme et de la solidarité régionale, en démontrant que les pays du continent peuvent s’unir pour bâtir ensemble le progrès économique et la croissance durable.

Avec ce corridor, le Soudan du Sud franchit un véritable tournant géoéconomique : accéder à la mer par ses propres infrastructures, réduire ses dépendances et attirer des investissements majeurs dans les secteurs agricole, logistique, énergétique et social.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *