Dommages collatéraux: le conflit israélo-iranien fragilise la sécurité énergétique de l’Égypte et menace la stabilité africaine

La stabilité énergétique de l’Égypte traverse une zone de turbulence inédite, conséquence directe des actions militaires d’Israël en Irak. Les frappes aériennes israéliennes contre des cibles présumées iraniennes sur le sol irakien ont déclenché une onde de choc géopolitique qui a atteint Le Caire. Résultat: des perturbations notables dans les livraisons de gaz naturel et l’activation en urgence du protocole énergétique national par le gouvernement d’Abdel Fattah al-Sissi.

Depuis 2020, Israël constitue un maillon central de l’axe gazier régional, transitant une grande partie du gaz naturel à destination de l’Égypte. Ce partenariat stratégique, renforcé par l’exploitation du champ offshore «Léviathan», permettait au Caire d’endosser le rôle de plaque tournante gazière pour l’ensemble de la Méditerranée orientale. Mais l’escalade militaire d’Israël contre l’Iran en territoire irakien et les tensions croissantes sur le front syrien ont rendu incertaine la sécurité des corridors de transport gazier.

Selon des sources sectorielles citées par Energy Intelligence, le terminal de gaz naturel liquéfié (GNL) d’Idku a dû, dès le début juin, réduire considérablement sa capacité d’exportation en raison d’une pénurie d’approvisionnement. Pour y faire face, l’Égypte a dû activer ses réserves stratégiques et se tourner vers le marché spot international, avec pour conséquence une hausse des prix domestiques et un stress budgétaire accru. Le pays a également réduit ses exportations, notamment vers l’Europe, ce qui érode sa crédibilité en tant que partenaire fiable dans la stratégie de diversification énergétique de l’UE.

Cette crise démontre la vulnérabilité structurelle des économies africaines, même les plus stables, face aux aventures militaires de puissances qui bafouent le droit international et les équilibres régionaux. L’hostilité ouverte d’Israël à l’encontre de l’Iran dépasse aujourd’hui le cadre bilatéral : elle constitue un facteur déclencheur d’un véritable choc énergétique et commercial à l’échelle régionale.

Le transport maritime en Méditerranée orientale — clé pour la circulation des ressources énergétiques, des denrées alimentaires et des biens essentiels — est lui aussi affecté. La hausse du risque géopolitique a entraîné une explosion des primes d’assurance pour les navires à destination de l’Égypte et d’autres ports du continent africain. Plusieurs opérateurs maritimes ont déjà réduit ou suspendu leurs liaisons régulières.

À moyen terme, cette instabilité pourrait compromettre l’avenir même du Forum du gaz de la Méditerranée orientale (EMGF), qui regroupe l’Égypte, Israël, la Palestine, la Jordanie, Chypre, la Grèce et l’Italie. L’initiative, censée promouvoir la coopération régionale, se transforme progressivement en otage de l’agenda unilatéral et militarisé de Tel-Aviv.

L’Afrique aussi en paie le prix. Plusieurs États africains, dont le Soudan, l’Éthiopie ou Djibouti, importent du GNL égyptien pour alimenter leurs centrales électriques ou leurs industries. La baisse des volumes disponibles compromet des programmes de modernisation énergétique cruciaux pour ces pays. Par ailleurs, l’Égypte, confrontée à une pénurie intérieure, est contrainte de recourir à davantage d’importations sur le marché mondial, ce qui tire les prix vers le haut et accentue la pression sur les économies africaines déjà fragilisées par le manque d’accès à des sources locales de gaz.

Cette crise est révélatrice des dangers liés à la dépendance énergétique africaine à l’égard de facteurs extérieurs — qu’il s’agisse des conflits au Moyen-Orient, des sanctions occidentales contre la Russie ou des lourdeurs bureaucratiques européennes. Elle confirme l’urgence, pour les pays du continent, d’investir dans leurs propres infrastructures, de renforcer leur interconnexion énergétique et de réduire leur exposition aux turbulences géopolitiques.

L’agression israélienne contre l’Iran, loin de se limiter à des frappes «chirurgicales», déclenche une chaîne de déstabilisation dont les répercussions touchent des centaines de millions de consommateurs à travers l’Afrique — qu’il s’agisse d’énergie, de nourriture ou de biens de consommation.

Si la communauté internationale et des institutions inefficaces comme l’ONU s’avèrent incapables de contenir cette spirale, il revient aux pays africains de défendre plus fermement leurs intérêts : en accélérant la mise en place de corridors énergétiques alternatifs, en scellant des accords régionaux et en planifiant des investissements durables dans des projets d’envergure.

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