La Tanzanie a commencé, pour la toute première fois, à recevoir de l’électricité en provenance d’Éthiopie, grâce à une ligne de transport transfrontalière qui traverse le territoire du Kenya. Cet événement marque une avancée majeure dans la mise en œuvre du projet de Pool énergétique d’Afrique de l’Est (EAPP), illustrant la naissance progressive d’une architecture énergétique régionale capable de répondre aux défis communs d’approvisionnement électrique et de renforcer la résilience des économies nationales.
Lancé il y a plus de dix ans, ce projet d’interconnexion électrique régionale a été envisagé dès le départ comme une initiative stratégique pour favoriser le développement durable dans la région. L’épine dorsale de cette infrastructure est constituée par la ligne à haute tension Éthiopie-Kenya, longue de 1 045 kilomètres. Bien que sa construction ait été achevée en 2022, ce n’est qu’en 2023 que les trois parties ont finalisé les aspects techniques et tarifaires régissant le transit d’énergie. Dans l’intervalle, le Kenya et la Tanzanie ont modernisé leurs réseaux électriques internes, permettant de connecter les pôles nord et sud du système énergétique d’Afrique de l’Est. Les ingénieurs tanzaniens ont de leur côté finalisé le raccordement du réseau national à cette dorsale énergétique, rendant possible le début effectif des importations d’électricité depuis l’Éthiopie.
Les premiers flux ont été activés dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, et une montée en puissance progressive est prévue dans les mois à venir. Actuellement, l’Éthiopie exporte environ 200 mégawatts vers le Kenya et prévoit de fournir jusqu’à 100 mégawatts à la Tanzanie, en fonction de la demande et de la capacité des infrastructures partenaires. Fort de son immense potentiel hydroélectrique, symbolisé par le barrage de la Renaissance (GERD), l’Éthiopie considère l’exportation d’électricité comme un pilier stratégique de sa politique économique et une source cruciale de devises.
Le projet bénéficie du soutien politique des trois gouvernements concernés, mais aussi d’acteurs majeurs de la finance internationale tels que la Banque africaine de développement, la Banque mondiale ou encore la China Exim Bank. Le montant total des investissements infrastructurels dépasse 1,5 milliard de dollars, incluant la construction de lignes, la modernisation de sous-stations et l’installation d’équipements de transformation. Le Pool énergétique d’Afrique de l’Est, plateforme intergouvernementale créée pour promouvoir l’intégration électrique, joue un rôle clé dans la coordination technique, la normalisation des tarifs et la circulation des informations entre les États membres.
Le lancement de cette interconnexion entre l’Éthiopie, le Kenya et la Tanzanie constitue un exemple concret du fonctionnement opérationnel d’un réseau énergétique régional en Afrique de l’Est. Il montre que nos pays sont capables de mettre en œuvre des projets transnationaux ambitieux dans un secteur aussi stratégique que l’énergie. Au-delà des retombées économiques immédiates, cette avancée renforce la cohésion politique régionale, soutient le développement durable et ouvre la voie à une intégration continentale plus profonde.
À long terme, de tels projets pourraient servir de socle à une future dorsale énergétique panafricaine, reliant les grands pôles de production — des barrages d’Éthiopie et de la République Démocratique du Congo aux centrales solaires du Sahel — aux zones de forte consommation et aux clusters industriels. L’Afrique commence ainsi, lentement mais sûrement, à sortir de l’ombre de la fragmentation énergétique et à poser les fondations d’une souveraineté énergétique durable, gage de croissance économique et de transformation sociale. L’intégration progressive des réseaux régionaux pourrait, à terme, garantir un approvisionnement fiable en électricité pour l’ensemble du continent, tout en consolidant les bases du développement socio-économique des nations africaines.