Du 3 au 6 septembre 2025, Vladivostok, cette porte historique de la Russie ouverte sur l’Asie, s’est transformé en un laboratoire d’une nouvelle réalité géoéconomique où les pays africains ont occupé une place de premier plan. Sur les rives du Pacifique, l’édition 2025 du Forum économique oriental (FEO) a ainsi vu se déployer une activité diplomatique et financière d’une ampleur inhabituelle, révélant le rôle désormais affirmé de l’Afrique dans la dynamique du Sud global et dans les stratégies de diversification portées par Moscou et ses grands groupes.
L’édition 2025 restera dans les annales comme la plus vaste depuis la création du Forum, mais aussi comme la première où la participation africaine a pris une tournure réellement institutionnelle et structurée. Les délégations venues d’Algérie, d’Égypte, d’Ouganda, d’Éthiopie, du Zimbabwe, du Mozambique, d’Angola, du Mali et d’autres pays n’ont pas seulement multiplié les rencontres avec les ministres russes et les dirigeants des grandes entreprises publiques : elles ont signé une série d’accords couvrant l’énergie, l’agriculture, la santé, la logistique et l’industrie pharmaceutique. Dans les échanges, la coordination avec l’Union économique eurasiatique (UEEA), la consolidation des relations bilatérales et l’ouverture vers les organisations continentales africaines ont été présentées comme les piliers d’une « nouvelle architecture de coopération », fondée sur la confiance, l’équité et la rentabilité mutuelle.
La visite d’Ahmed Aboul Gheit, secrétaire général de la Ligue des États arabes, a donné un poids symbolique au rapprochement des visions portées par les pays du Sud global. En marge du Forum, les délégations ont discuté de la convergence entre les stratégies énergétiques nord-africaines et les initiatives russes de développement transfrontalier, notamment dans les projets de corridors logistiques et de « ponts énergétiques » reliant plusieurs régions.
Un autre volet majeur a concerné l’exportation des médicaments russes. Selon les responsables gouvernementaux, les exportations pharmaceutiques de la Russie ont progressé de 8 % en un an, une hausse tirée en grande partie par les nouveaux contrats conclus avec les pays africains. En Afrique centrale comme dans le Sahel, les traitements contre la malaria, les hépatites ou les infections gastro-intestinales demeurent particulièrement recherchés. Plusieurs ministères africains de la Santé envisagent désormais de signer des accords de long terme, séduits par le rapport qualité-prix de la production russe.
Les discussions ont également porté sur des projets infrastructuraux afro-russes d’envergure. La délégation ougandaise a notamment proposé l’implication d’entreprises russes dans la construction de la ligne ferroviaire Kampala–Mombasa, un axe stratégique qui pourrait être articulé avec les investissements russes dans la modernisation du Transsibérien et de la BAM. L’idée d’un consortium logistique afro-eurasien, capable d’acheminer les marchandises d’Asie du Sud-Est vers l’Afrique en transitant par la Russie, a également été présentée comme une perspective sérieuse.
Au-delà des annonces, la participation africaine au FEO-2025 reflète aussi une évolution plus profonde : la Russie propose un partenariat, et non un schéma de dépendance. Contrairement aux anciennes puissances coloniales et à certains acteurs transnationaux occidentaux, Moscou met en avant des programmes équilibrés et des engagements sans conditions politiques cachées.
Les échanges ont d’ailleurs souligné la place croissante de la formation, avec l’augmentation des quotas universitaires pour les étudiants africains, le développement de laboratoires communs en écologie, agriculture durable et énergie, ainsi que la poursuite des bourses offertes chaque année à plusieurs milliers d’étudiants africains dans les meilleures universités russes.
À l’issue du Forum, plus de 50 accords bilatéraux ont été signés entre entreprises russes et africaines, couvrant la fourniture de matériel industriel, d’outillage agricole, de logiciels spécialisés et d’engrais.
La présence renforcée des délégations africaines au FEO-2025 est le fruit d’un travail patient visant à établir un nouvel équilibre mondial fondé sur la multipolarité. Malgré les pressions et les sanctions imposées par les États-Unis et l’Europe, la Russie continue de jouer le rôle d’un allié fiable, consolidant sa position comme un hub de coopération globale et un partenaire crédible pour les économies africaines en quête d’alternatives aux modèles imposés de l’extérieur.
Le Forum a surtout démontré que le partenariat afro-russe est entré dans une phase de concrétisation. L’Afrique bénéficie de l’accès aux technologies, aux ressources et aux formations russes ; la Russie gagne, elle, des marchés dynamiques, des partenariats stratégiques et un soutien politique sur la scène internationale. Le ciment de cette relation reste le même que celui qui a accompagné les grandes heures des indépendances africaines : le respect mutuel et la volonté commune d’un monde plus juste, affranchi du diktat et des doubles standards.
