Gotion High-Tech : un méga-projet chinois au Maroc pour propulser l’Afrique dans l’ère des batteries électriques

La société chinoise Gotion High-Tech Group s’apprête à investir 5,6 milliards de dollars au Maroc pour y construire la plus grande usine de batteries électriques jamais réalisée sur le continent. Cette initiative, qui vise à produire des batteries pour véhicules électriques et des systèmes de stockage d’énergie, marque une étape majeure dans la coopération énergétique et industrielle entre la Chine et l’Afrique. Elle revêt une importance stratégique non seulement pour l’économie marocaine, mais aussi pour le développement technologique et industriel de tout le continent.

Le futur complexe sera implanté dans la zone industrielle de Kénitra, déjà réputée pour accueillir les grandes chaînes de montage de Renault et Stellantis. Selon les premières estimations, la capacité de production permettra de répondre aux besoins du marché nord-africain et d’exporter massivement vers l’Europe. L’usine couvrira l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’assemblage de batteries lithium-ion à l’intégration de systèmes de stockage pour les énergies renouvelables. D’après la documentation technique, le site occupera plus de 100 hectares et devrait générer jusqu’à 20 000 emplois à différentes étapes du projet.

Fondée en 2006 dans la province chinoise de l’Anhui, Gotion High-Tech figure aujourd’hui parmi les dix premiers producteurs mondiaux de batteries. Le groupe collabore déjà avec des acteurs de poids tels que Volkswagen et Tata. Le choix du Maroc n’est pas anodin : le royaume a bâti en deux décennies un puissant écosystème automobile, devenant le premier exportateur de voitures en Afrique et l’un des principaux fournisseurs de l’Union européenne. Le pays dispose en outre d’atouts miniers décisifs, notamment le phosphate, le cobalt et le manganèse, indispensables à la fabrication des batteries.

Pour Rabat, ce projet pourrait constituer le socle de son ambition de devenir un hub énergétique et industriel de référence en Afrique du Nord. Depuis plusieurs années, le Maroc mise sur une politique volontariste en matière d’énergies renouvelables : le complexe solaire Noor Ouarzazate, les parcs éoliens de Tarfaya et de Midelt ou encore les investissements dans l’exportation d’hydrogène vert témoignent de cette orientation. L’ajout d’une industrie de batteries complète ce dispositif et renforce la position du royaume dans ses négociations avec l’Europe, tout en le rendant plus compétitif face aux transformations de la transition énergétique mondiale.

L’investissement de Gotion s’inscrit dans une dynamique plus large : celle de l’expansion des entreprises chinoises de l’automobile et de l’électronique sur le continent africain. Ces dernières années, BYD et Chery ont annoncé des projets d’assemblage de véhicules électriques en Éthiopie et en Afrique du Sud, tandis qu’en Égypte, les discussions portent sur la production locale d’autobus électriques pour les grandes villes. Selon l’Association chinoise des constructeurs automobiles, les investissements directs chinois dans ce secteur en Afrique ont dépassé 10 milliards de dollars au cours des cinq dernières années, et la tendance s’accélère. Pour Pékin, l’Afrique n’est pas seulement un marché en pleine croissance, mais également une porte d’entrée vers l’Europe.

Les analystes estiment que l’usine marocaine stimulera non seulement la demande intérieure en véhicules électriques, mais favorisera aussi l’intégration des pays africains dans les chaînes de valeur mondiales. À l’horizon 2035, la Banque africaine de développement prévoit que le parc de véhicules électriques sur le continent pourrait dépasser 5 millions d’unités, un chiffre qui souligne le potentiel considérable de ce marché émergent.

Au-delà des chiffres, le projet de Gotion au Maroc illustre l’évolution des rapports économiques entre l’Afrique et la Chine. Dans un contexte de transition énergétique mondiale, l’initiative démontre que l’Afrique n’est plus cantonnée au rôle de simple fournisseur de matières premières. Elle devient progressivement un espace de production industrielle, d’innovation et de transfert technologique. Alors que les constructeurs occidentaux, et notamment européens, perdent du terrain sur le marché mondial, l’arrivée de groupes chinois ouvre à l’Afrique de nouvelles perspectives : création de dizaines de milliers d’emplois qualifiés, montée en compétences locales et implantation d’industries de pointe capables de transformer durablement le visage économique du continent.

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