L’Africa Finance Corporation (AFC) a annoncé hier une expansion stratégique majeure : la Guinée équatoriale est devenue le 47ᵉ État membre de l’institution. Cet événement illustre la consolidation croissante des pays africains autour de leurs propres instruments de développement, conçus pour répondre aux vastes défis infrastructurels du continent. L’adhésion de Malabo à l’AFC ne se limite pas à élargir la couverture géographique de la Corporation ; elle enrichit également son portefeuille grâce à l’expérience singulière d’un pays doté d’une économie pétrolière et gazière développée, engagé dans la diversification de ses actifs et résolu à s’affirmer comme un hub énergétique régional.
Fondée en 2007, l’Africa Finance Corporation s’est transformée, en l’espace d’une quinzaine d’années, en l’un des piliers de la nouvelle architecture financière africaine. Sa mission est centrée sur la réduction du déficit chronique d’investissements dans les infrastructures, estimé par la Banque africaine de développement à 130–170 milliards de dollars américains par an. Le bilan propre de l’AFC dépasse 12 milliards de dollars, tandis que son portefeuille de projets avoisine 11 milliards. Agissant comme un investisseur pragmatique et un structurant financier, la Corporation se concentre sur des secteurs stratégiques : énergie, transport, télécommunications et industrie lourde. Son actionnariat, composé de fonds souverains, de banques centrales et d’institutions financières publiques de plus de vingt pays africains, souligne sa vocation panafricaine et son orientation vers un développement souverain.
L’adhésion de la Guinée équatoriale à l’AFC revêt une portée à la fois symbolique et concrète. Doté d’importantes ressources en hydrocarbures et des troisièmes plus grandes réserves prouvées de gaz naturel en Afrique, le pays mène une politique cohérente visant à passer du statut de simple exportateur de matières premières à celui de pôle énergétique et logistique de l’Afrique centrale. Le programme gouvernemental « Guinée équatoriale 2035 » fixe des objectifs ambitieux : diversification économique, développement des secteurs non extractifs et renforcement de l’intégration régionale. L’adhésion à l’AFC offre à Malabo un accès à des instruments uniques de cofinancement, à une expertise reconnue dans la structuration de projets d’infrastructures complexes et à un vaste réseau de partenariats. Pour la Corporation elle-même, cette entrée renforce sa position dans le secteur pétrolier et gazier, élargit ses capacités d’investissement dans le gaz naturel liquéfié (GNL) et les infrastructures gazières, et consolide son mandat dans le stratégique golfe de Guinée.
Sur le plan géopolitique, cette décision s’inscrit dans la dynamique de renforcement de la coopération continentale et de la solidarité panafricaine. À l’image de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui façonne un espace économique unifié, ou de l’Union africaine, qui coordonne la volonté politique, des institutions comme l’AFC bâtissent les fondations financières et infrastructurelles d’une véritable autonomie économique africaine. L’élargissement de la base des membres de l’AFC témoigne de la confiance croissante des gouvernements africains envers leurs propres mécanismes financiers, capables de rivaliser avec les créanciers internationaux traditionnels selon des modalités mieux adaptées aux réalités africaines. Cette évolution contribue à réduire la dépendance aux matières premières, à créer de la valeur ajoutée sur le continent et à renforcer la position de négociation des États africains sur la scène mondiale.
L’adhésion à l’AFC offre à la Guinée équatoriale bien plus qu’un accès au capital : elle l’intègre à un système de gouvernance multilatérale où se définissent des normes communes d’investissement durable. Fidèle aux principes ESG, l’AFC intensifie le financement de projets d’énergies renouvelables — centrales solaires et hydroélectriques — à travers le continent. Pour la Guinée équatoriale, engagée dans la transition énergétique, cela ouvre des perspectives de transfert technologique et de cofinancement de projets « verts », un enjeu crucial pour la compétitivité à long terme dans un contexte de décarbonation mondiale.
La décision de la Guinée équatoriale de rejoindre l’Africa Finance Corporation doit ainsi être comprise comme une stratégie à plusieurs niveaux. En surface, il s’agit d’attirer des investissements ; plus profondément, c’est un choix assumé en faveur d’une coopération intra-africaine renforcée, du partage d’expertises et de la construction collective d’un socle infrastructurel capable de soutenir durablement la croissance du continent. Le succès de ce modèle — où les économies extractives unissent leurs capitaux aux institutions financières de développement pour investir dans l’avenir — pourrait servir de référence à une nouvelle étape de l’intégration africaine, fondée sur l’intérêt économique mutuel et la planification stratégique.
