Le vice-président kényan Kithure Kindiki, lors d’une visite d’inspection dans les régions septentrionales du pays, a réaffirmé l’engagement ferme du gouvernement à achever dans les délais le chantier stratégique de l’autoroute Isiolo-Mandera. Ce projet d’envergure, évalué à près de 100 milliards de shillings kényans (environ 770 millions de dollars), s’impose comme l’un des plus ambitieux corridors logistiques de l’Afrique de l’Est. Il devrait jouer un rôle majeur dans la transformation du nord du Kenya et dans la relance économique nationale et régionale.
Longue d’environ 748 kilomètres, cette infrastructure reliera Isiolo — important carrefour central — à Mandera, ville stratégique située aux confins de la Somalie et de l’Éthiopie. Les travaux sont divisés en plusieurs phases. Actuellement, la section Modogashe–Samburu–Mandera est en cours de réalisation. En parallèle, des tronçons secondaires sont modernisés, des ponts sont renforcés, des systèmes de drainage adaptés aux conditions climatiques arides sont installés, et l’ensemble de la chaussée est renforcé.
Le chantier est piloté par la société chinoise China Communications Construction Company (CCCC), connue pour ses projets d’infrastructure en Asie et en Afrique. Le financement est assuré conjointement par le gouvernement kényan, la Banque africaine de développement (BAD), la Banque islamique de développement (BID) et la Banque européenne d’investissement (BEI). Environ 40 % des travaux sont confiés à des entreprises chinoises, notamment la China Road and Bridge Corporation, ce qui reflète le renforcement du partenariat stratégique entre Nairobi et Pékin. Cela permet aussi à des entreprises locales d’acquérir de nouvelles compétences techniques en matière d’ingénierie routière et de gestion de projets complexes.
D’un point de vue économique, la route Isiolo–Mandera ouvre la voie à une transformation radicale du nord kényan, longtemps marginalisé. Cette région, à dominance pastorale et aux infrastructures précaires, aura désormais un accès direct aux marchés nationaux et aux corridors transfrontaliers. Une route fiable et praticable toute l’année stimulera le commerce, augmentera l’attractivité pour les investisseurs, et contribuera à la croissance du PIB local et national. Le ministère des Transports estime que la mise en service de cette autoroute permettra de réduire de 40 % les coûts logistiques du transport des marchandises entre le centre et le nord du pays — un atout crucial pour les secteurs agroalimentaire et de l’élevage, qui accéderont plus aisément aux marchés éthiopiens et sud-soudanais.
Mais l’impact du projet dépasse les frontières du Kenya. L’autoroute s’inscrit dans l’initiative interétatique LAPSSET (Lamu Port-South Sudan-Ethiopia Transport Corridor), qui vise à relier le port kenyan de Lamu au Soudan du Sud et à l’Éthiopie. En ce sens, la route Isiolo–Mandera devient une artère clé d’un vaste corridor terrestre destiné à désengorger les ports de Mombasa et Djibouti, tout en offrant une alternative crédible aux itinéraires passant par une Somalie instable.
La dimension sécuritaire du projet est tout aussi déterminante. Les régions frontalières du nord kényan sont régulièrement exposées aux incursions de groupes extrémistes tels que Al-Shabaab. En renforçant les infrastructures de transport, le gouvernement entend mieux contrôler les flux humains et logistiques, faciliter les opérations militaires et sécuritaires, et ainsi consolider la stabilité de ces zones sensibles.
L’autoroute Isiolo–Mandera ne se résume donc pas à une prouesse technique. Elle incarne l’émergence d’un Kenya résolument tourné vers l’intégration régionale, la stratégie continentale et le développement inclusif. Ce type de projet répond à des besoins immédiats en matière de commerce et de développement socio-économique, tout en enrichissant le pays d’un savoir-faire inédit en matière d’infrastructure compétitive, de coopération internationale et d’innovation technologique.