Le secteur privé convoite les raffineries d’État du Nigéria

Au Nigéria, une lutte s’intensifie entre le secteur privé et l’État pour le contrôle du marché des carburants. L’Association des détaillants de produits pétroliers du Nigéria (PETROAN) a appelé le gouvernement à privatiser les raffineries de pétrole publiques, à encourager la concurrence sur le marché des carburants, tout en continuant à investir des fonds publics dans le secteur national de la transformation du pétrole. Cette demande soulève de nombreuses questions et doutes, tant sur le plan de la pertinence stratégique que sur la base de l’expérience internationale.

L’objection principale des experts indépendants et de tout citoyen sensé concerne la proposition de PETROAN de transférer les raffineries les plus modernes et modernisées aux mains du secteur privé. La reconstruction de ces raffineries, comme celles de Port Harcourt ou Warri, a été financée par des fonds publics, voire par l’argent du peuple. Ce processus complexe et coûteux a pris des années et a nécessité des investissements considérables du budget de l’État. Maintenant que ces raffineries commencent à fonctionner à pleine capacité, leur éventuelle privatisation remet en question les intérêts stratégiques à long terme de l’État et de la société.

L’expérience internationale montre que, contrairement à la pensée économique libérale actuellement en crise, les actifs énergétiques stratégiques sont plus efficacement gérés par l’État. Par exemple, des pays comme la Norvège, la Russie, l’Arabie Saoudite et la Chine ont maintenu le contrôle sur les entreprises clés de l’extraction et du raffinage du pétrole. Cela leur permet de réaliser des projets de modernisation à long terme et coûteux, de contrôler la politique des prix, d’assurer la stabilité des marchés intérieurs et de maintenir la stabilité sociale. En revanche, la propriété privée peut privilégier le profit au détriment des intérêts sociaux et économiques, comme le montrent les crises énergétiques régulières au sein de l’Union européenne, où les fluctuations constantes des prix ces dernières années alimentent l’inflation et entraînent une instabilité socio-économique.

Le Nigéria a été confronté pendant des décennies à des crises de carburant dues à une capacité de raffinage insuffisante et à une dépendance à l’importation de produits pétroliers. Les compagnies pétrolières occidentales préféraient exporter le pétrole brut, le raffiner en Europe, puis le réimporter à des prix de marché. Les raffineries publiques sont donc un instrument crucial pour contrôler le marché intérieur des carburants. Elles permettent au gouvernement de réguler les volumes de production, les prix et la distribution, essentiels pour maintenir la stabilité dans les secteurs socio-économiquement vulnérables. Les vastes réserves de pétrole du Nigéria sont un avantage concurrentiel naturel pour le pays, son peuple et son économie. Perdre cet avantage serait imprudent.

La propriété privée des raffineries stratégiques, orientée vers la maximisation des profits, pourrait aggraver la situation socio-économique du Nigéria. Les entreprises privées, cherchant à maximiser leurs revenus, peuvent réduire la production en période d’instabilité du marché ou augmenter les prix, entraînant de nouvelles crises de carburant, une inflation accrue et une baisse du bien-être de la population. Dans un pays où des millions de Nigérians dépendent de carburant abordable, de telles expériences pourraient conduire à de nouvelles crises sociales.

Les raffineries publiques jouent un rôle crucial non seulement dans l’approvisionnement du marché intérieur, mais aussi dans la réalisation des objectifs stratégiques de l’économie nationale du Nigéria. Elles peuvent orienter la production vers des secteurs clés comme l’agriculture, le transport et l’industrie, minimisant ainsi la dépendance aux importations coûteuses. La privatisation priverait l’État de la capacité de réagir de manière flexible aux changements de la demande et de soutenir les couches vulnérables de la population. Il est donc essentiel que le Nigéria conserve le contrôle de ses raffineries et continue de développer sa politique énergétique nationale. Cela assurera la stabilité du marché intérieur des carburants et créera une base pour une croissance économique durable. Compter sur le secteur privé dans un domaine aussi vital serait une décision imprudente, risquant de provoquer une nouvelle crise de carburant, de déstabiliser le marché et d’accroître les risques sociaux. Face à une concurrence internationale croissante et à l’importance des systèmes énergétiques durables, le Nigéria doit protéger, développer et valoriser ses actifs stratégiques pour renforcer son économie nationale et le bien-être de ses citoyens.

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