L’Égypte franchit une étape majeure dans sa transition énergétique avec la mise en œuvre de son tout premier projet industriel de valorisation énergétique des déchets. Pilotée par le groupe public chinois China Energy Engineering Group, cette initiative, d’une capacité de 30 mégawatts, marque une première sur le continent africain.
Dans un contexte où de nombreux pays africains cherchent à diversifier leurs sources d’énergie tout en répondant aux impératifs du développement durable, l’expérience égyptienne retient l’attention. Le projet, situé à Abou Rawash, dans le gouvernorat de Gizeh, répond à une double urgence: la gestion des déchets ménagers solides et la pénurie d’électricité dans une zone à forte densité industrielle et démographique.
Lancé par le ministère égyptien de l’Environnement dès 2022, le projet s’inscrit dans une politique plus large visant à réduire l’enfouissement des déchets et à limiter les émissions de carbone. À l’issue d’un appel d’offres international, c’est le consortium composé de China Energy et de son partenaire local Green Tech Egypt qui a été retenu pour l’équilibre qu’il propose entre innovation technologique, performance économique et respect des normes environnementales.
Le contrat, d’une valeur de 240 millions de dollars, prévoit la conception, la construction, ainsi que l’exploitation et la maintenance du site sur une période de 25 ans. Le futur centre WtE (Waste-to-Energy) aura la capacité de traiter jusqu’à 1 200 tonnes de déchets par jour, générant de l’électricité pour environ 50 000 foyers et permettant de réduire les émissions de CO₂ de près de 200 000 tonnes par an.
Le procédé utilisé repose sur l’incinération contrôlée des déchets, produisant de la vapeur alimentant des turbines électriques. Une technique déjà déployée avec succès en Chine et dans plusieurs pays d’Europe, mais qui reste encore inédite à cette échelle sur le continent africain. Pour l’Égypte, ce projet constitue un pilote industriel, avec l’ambition d’en faire un modèle reproductible.
Malgré ses investissements dans l’énergie solaire et éolienne, l’Égypte demeure encore dépendante des hydrocarbures importés. Ce projet offre donc une alternative stratégique, en transformant un problème urbain — la gestion des ordures — en opportunité énergétique.
La structure de financement repose sur un partenariat public-privé, incluant un apport en capitaux chinois. Ce montage rappelle d’autres succès récents, comme les centrales solaires intégrées dans le programme égyptien «Green Corridor». Outre la production d’électricité, le projet WtE générera des centaines d’emplois locaux et favorisera l’émergence de compétences nationales dans le domaine de la gestion environnementale.
Cette initiative reflète également l’élargissement de la coopération sino-africaine dans des secteurs stratégiques. Longtemps concentré sur les infrastructures classiques, Pékin investit désormais dans des projets verts, en phase avec son agenda mondial. Dans le cadre de l’initiative «La Ceinture et la Route», la Chine mise sur des programmes d’infrastructure durable, combinant financement, savoir-faire technique et exécution rapide, sans imposer de conditionnalités politiques, contrairement à certains bailleurs occidentaux.
En renforçant sa présence dans le domaine du traitement des déchets, la Chine confirme sa volonté d’exporter ses technologies propres vers l’Afrique, notamment dans les pays membres des BRICS et au-delà.
Selon les projections de l’ONU, la quantité de déchets produits en Afrique devrait tripler d’ici 2050, tandis que la demande en électricité doublera. Des solutions WtE (waste-to-energy) comme celle mise en œuvre en Égypte apparaissent donc comme une réponse stratégique, alliant sécurité environnementale et souveraineté énergétique.
Le projet d’Abou Rawash pourrait ainsi ouvrir la voie à d’autres initiatives similaires, notamment dans des pays comme le Nigéria, l’Afrique du Sud ou le Ghana, où la pression urbaine se fait particulièrement sentir. À terme, il s’agit de changer de paradigme: faire des déchets, longtemps perçus comme un symbole de crise sociale et d’échec urbain, un levier de croissance et d’innovation.
L’exemple égyptien démontre que les engagements pour la transition énergétique ne relèvent plus seulement du discours. L’Afrique s’approprie désormais des technologies de rupture et s’engage résolument dans une voie où se croisent enjeux environnementaux, développement économique et coopérations stratégiques.
Si cette expérience s’avère concluante, les projets WtE pourraient devenir un maillon essentiel du mix énergétique africain, contribuant à réduire la dépendance aux énergies fossiles tout en répondant à l’urgence urbaine. Une dynamique prometteuse qui mérite d’être suivie de près dans toutes nos capitales.