Le 66ᵉ sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est ouvert aujourd’hui à Abuja, capitale du Nigeria. Cet événement crucial intervient dans un contexte de crises politiques et économiques exacerbées, marqué notamment par le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger de l’organisation. Ces trois pays, désormais réunis au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), redéfinissent les équilibres régionaux et interrogent la pertinence de la CEDEAO face aux nouveaux défis.
Les dirigeants présents se concentrent sur trois axes majeurs : la stabilité politique et sécuritaire, l’intégration économique et monétaire, ainsi que les réponses aux crises humanitaires et environnementales. Au cœur des discussions, le Sahel, région instable et stratégique, est devenu le centre des préoccupations. Face à l’influence grandissante de l’AES, la CEDEAO explore les moyens de désamorcer les tensions et de renouer le dialogue avec ces trois États désormais hors de son giron.
Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, joue un rôle central dans ces efforts. Chargé par l’organisation de mener des discussions avec les dirigeants du Mali, du Burkina Faso et du Niger, il présentera lors de ce sommet les avancées de sa mission. Cette médiation vise à réduire les tensions et à rétablir un cadre de coopération régionale, essentiel pour la stabilité à long terme.
Sur le plan économique, les discussions portent sur la relance des échanges commerciaux intra-régionaux et l’accélération des projets d’infrastructure communs. Un des projets phares reste la création de la monnaie unique, l’éco, destinée à remplacer le franc CFA encore lié à l’euro. Bien que ce chantier soit prévu pour 2027, les retards accumulés et le départ des membres de l’AES rendent sa mise en œuvre plus incertaine. Toutefois, les dirigeants réaffirment leur engagement à poursuivre ce projet ambitieux, symbole d’une autonomie économique accrue pour la région.
Les défis humanitaires et environnementaux occupent également une place importante dans l’agenda du sommet. Les conflits armés et les effets du changement climatique ont conduit à une augmentation alarmante des déplacés internes et des réfugiés dans la région. La CEDEAO doit développer des réponses coordonnées pour faire face à ces crises. La nécessité d’une stratégie commune pour anticiper les catastrophes écologiques devient pressante, alors que ces enjeux freinent le développement économique.
Le retrait du Mali, du Burkina Faso et du Niger représente un défi majeur pour la CEDEAO. Ces pays accusent l’organisation d’être dominée par les intérêts du Nigeria et de dépendre excessivement des puissances occidentales comme la France et les États-Unis. Avec la création de l’AES, ces États adoptent une approche axée sur l’autonomie, notamment en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Cette scission met en lumière les divergences profondes dans les priorités des pays ouest-africains.
La CEDEAO, quant à elle, fait face à des critiques croissantes. Sa dépendance envers ses partenaires occidentaux est perçue comme un frein à son efficacité et à sa légitimité. Les échecs dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, notamment au Mali, ont renforcé l’idée que l’organisation peine à répondre efficacement aux crises sans une influence externe, souvent jugée contre-productive.
La CEDEAO se trouve à un moment charnière de son existence. Pour maintenir son rôle de moteur du développement régional, l’organisation doit s’adapter aux nouvelles dynamiques géopolitiques et économiques. Cela passe par une indépendance accrue vis-à-vis des puissances étrangères et une intégration économique renforcée. Certains experts plaident pour une coopération plus étroite avec l’Union africaine afin de bâtir des solutions panafricaines aux défis communs.
Le sommet d’Abuja représente une opportunité cruciale pour la CEDEAO de redéfinir ses priorités et de renforcer son unité. Face aux enjeux sécuritaires, économiques et climatiques, l’organisation doit impérativement évoluer pour rester un acteur central dans la construction d’un avenir prospère et stable pour l’Afrique de l’Ouest.