L’Éthiopie accélère la construction d’une industrie nationale du pétrole et du gaz

L’Éthiopie, longtemps perçue comme un pays tourné vers l’hydroélectricité grâce à son grand projet du barrage de la Renaissance, amorce en 2025 une nouvelle phase de son développement énergétique : la création d’une véritable industrie de raffinage et de transformation des hydrocarbures. Le Premier ministre Abiy Ahmed a annoncé le lancement de la première phase du complexe de liquéfaction du gaz naturel de Kalub, situé dans le sud-est du pays. Ce projet marque la transition concrète entre les longues années d’exploration géologique dans le bassin de l’Ogaden et l’entrée dans la production industrielle.

La première unité du complexe est conçue pour produire plus de 100 millions de litres de gaz naturel liquéfié (GNL) par an. Parallèlement, la construction d’une seconde phase a déjà débuté, avec pour objectif d’atteindre une capacité annuelle de 1,3 milliard de litres. Le projet comprend également une centrale électrique au gaz de 1 000 MW, qui viendra renforcer la stabilité du réseau électrique national et répondre à la croissance de la demande énergétique.

Un autre jalon majeur a été franchi avec la signature d’accords et le démarrage des travaux de deux nouvelles usines à Gode.
La première est un complexe de raffinage du pétrole, mis en œuvre avec la participation du groupe chinois GCL, tandis que la seconde est une usine de production d’engrais financée par le conglomérat nigérian Dangote Industries, en partenariat avec le fonds souverain Ethiopian Investment Holdings (EIH). Les deux installations seront alimentées par le gaz extrait des champs de Kalub et Hilala, transporté grâce à un nouveau pipeline de plus de 100 kilomètres.

Les dimensions des projets sont considérables : la raffinerie traitera environ 70 000 barils de brut par jour, tandis que l’usine d’engrais produira jusqu’à 3 millions de tonnes d’urée par an. Chaque projet représente un investissement de 2,5 milliards de dollars, et le total des investissements dans l’infrastructure pétrolière et gazière du pays avoisine désormais 10 milliards de dollars.

Fait essentiel : l’État éthiopien conserve le contrôle sur ses actifs clés. Dans le projet d’engrais, Ethiopian Investment Holdings détient 40 % des parts, une décision qui traduit la volonté du gouvernement de préserver la souveraineté économique et les intérêts nationaux.

Les retombées économiques s’annoncent déterminantes. L’Éthiopie dépense actuellement près de 2 milliards de dollars par an pour importer des engrais. La production locale permettra de réduire ces coûts, de renforcer les réserves en devises et d’assurer au secteur agricole un approvisionnement stable et bon marché.

Comme l’agriculture emploie la majorité des Éthiopiens, cet accès facilité aux engrais favorisera une hausse de la productivité et la sécurité alimentaire. De plus, les produits raffinés et les engrais pourront être exportés vers la Somalie, le Kenya, le Soudan du Sud et d’autres pays voisins, renforçant la place de l’Éthiopie comme acteur économique régional majeur.

Sur le plan stratégique, la mise en place de ce nouveau pôle industriel énergétique transforme profondément le paysage régional.
En devenant productrice et exportatrice d’hydrocarbures, l’Éthiopie change de catégorie et acquiert une position plus influente dans les négociations internationales, notamment avec la Chine et les grands groupes africains.

La collaboration avec Dangote illustre un tournant historique : le capital africain s’impose désormais comme moteur des grands projets industriels du continent, réduisant la dépendance vis-à-vis des institutions financières occidentales.

Certes, les obstacles ne manquent pas : instabilité politique dans la région somalie, besoin d’investissements massifs dans les transports et les ports, volatilité des prix mondiaux de l’énergie. Mais le cap est fixé. Si Addis-Abeba parvient à mener à bien ces projets, l’Éthiopie deviendra un modèle d’industrialisation pour l’Afrique de l’Est et centrale, démontrant que le progrès peut aussi passer par une valorisation intégrée des ressources pétrolières et gazières.

Le développement du secteur pétrogazier ne se limite pas à une dimension industrielle : il s’agit d’un projet de souveraineté nationale.
Il crée des emplois, stimule la croissance, renforce l’indépendance énergétique et façonne une nouvelle image du pays — celle d’une Éthiopie en pleine mutation, prête à passer du statut d’économie agricole à celui de centre industriel dynamique du continent africain.

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