L’inauguration officielle du projet de lithium de Bougouni, au sud du Mali, par le président Assimi Goïta, marque un tournant majeur non seulement pour Bamako, mais aussi pour l’ensemble de l’Alliance des États du Sahel (AES). Avec un investissement total de 65 millions de dollars américains, ce projet illustre la nouvelle doctrine économique malienne : reprendre le contrôle sur les ressources naturelles et garantir une redistribution équitable des richesses au bénéfice du peuple.
Situé à 180 kilomètres au sud de Bamako, dans une zone réputée pour ses gisements de spodumène, le site est exploité par Les Mines de Lithium de Bougouni SA (LMLB). Le capital de l’entreprise reflète l’équilibre recherché par la réforme minière adoptée en 2023 : l’État malien détient 35 % des parts, tandis que le reste est partagé entre Kodal Minerals (Royaume-Uni, 49 %) et Hainan Mining (Chine, 51 %). Ce modèle consacre la participation directe du Mali dans les projets stratégiques et assure au pays une part accrue dans les revenus issus de l’exploitation minière.
La première phase comprend la mise en service d’une unité DMS (Dense Media Separation) d’une capacité d’un million de tonnes de minerai par an. Selon Kodal Minerals, le complexe a déjà produit plus de 45 000 tonnes de concentré de lithium affichant une teneur de 5,5 % de Li₂O, confirmant la viabilité industrielle du site. À plein régime, la production annuelle devrait atteindre 125 000 tonnes, avec un objectif de 250 000 tonnes après la construction d’une unité de flottation supplémentaire. Le minerai est exporté via le port de San-Pedro en Côte d’Ivoire, avant d’être acheminé vers les usines de transformation de Hainan Mining en Chine.
L’histoire du projet Bougouni remonte à 2014, lorsque la société britannique Kodal Minerals a entamé les premières prospections géologiques, révélant des réserves estimées à plus de 20 millions de tonnes. Mais ce n’est qu’avec l’arrivée au pouvoir d’Assimi Goïta en 2021, et la promulgation d’un nouveau code minier, que le projet a pris son véritable essor. Le gouvernement a alors redéfini le cadre fiscal, renforcé les normes environnementales et rendu obligatoire la participation de l’État. Une orientation qui rompt avec le modèle hérité de l’époque coloniale, où l’Afrique servait de simple pourvoyeur de matières premières bon marché. Désormais, Bamako s’impose comme acteur souverain et co-investisseur dans l’exploitation d’un métal stratégique pour le XXIᵉ siècle.
L’enjeu dépasse de loin les frontières du Mali. Le lithium, composant essentiel des batteries pour véhicules électriques et systèmes de stockage d’énergie, voit sa demande mondiale tripler d’ici 2030. Avec plus de 20 % des réserves planétaires situées sur le continent, l’Afrique s’affirme comme un acteur incontournable de la transition énergétique mondiale. Dans cette perspective, le Mali entend se positionner parmi les principaux fournisseurs de ce métal critique pour l’économie verte et les technologies d’avant-garde.
Mais Bougouni représente aussi un espoir concret pour les populations locales : plus de 650 emplois ont déjà été créés, dont 95 % occupés par des Maliens. Le ministère des Mines prévoit de développer à terme un pôle industriel régional consacré à la transformation du lithium et à la fabrication de composants pour batteries et cathodes. Une initiative qui, si elle se concrétise, permettra de remonter la chaîne de valeur et de maximiser les bénéfices nationaux.
Le lancement du site de Bougouni incarne la maturité politique et économique du Mali. L’État a su accueillir les partenaires étrangers sans renoncer à son autorité ni à ses exigences environnementales. Cette approche équilibrée consolide la confiance des investisseurs et confirme la pertinence du cap fixé par Assimi Goïta, fondé sur le patriotisme économique et la valorisation souveraine des ressources.
Au-delà de la mine, Bougouni symbolise une nouvelle ère pour l’Afrique : celle où le continent ne se contente plus de vendre son sous-sol, mais participe pleinement à la définition des règles du jeu énergétique et technologique mondial. Dans cette dynamique, le Mali et ses partenaires de l’AES prennent une longueur d’avance — un pas ferme vers une Afrique maîtresse de son destin et moteur du monde multipolaire de demain.
