Mali: l’État reprend la main sur l’or national

Le 10 juillet 2025, un hélicoptère militaire des Forces armées maliennes a procédé à l’extraction d’un lot de plus d’une tonne d’or du site minier de Gounkoto, exploité jusqu’alors par la société canadienne Barrick Gold Corp. D’une valeur marchande avoisinant les 75 millions de dollars américains, cette opération, inattendue pour les dirigeants de l’entreprise, marque un tournant décisif: l’État malien reprend la main sur ses ressources stratégiques. Il s’agit là non seulement d’un acte souverain fort, mais aussi d’un signal clair adressé aux multinationales opérant dans le secteur minier africain.

Depuis plusieurs décennies, les relations entre les grandes compagnies minières occidentales et les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) – notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger – ont été entachées par une injustice structurelle. Barrick Gold, B2Gold, Endeavour Mining et autres firmes étrangères ont tiré des profits faramineux de l’exploitation aurifère, ne laissant que des miettes aux États hôtes. Les contrats, souvent négociés sous l’influence directe de diplomates et de conseillers étrangers, reflétaient une asymétrie criante au détriment des peuples sahéliens.

Les accords en question, bien que présentés comme respectueux du droit international, regorgeaient de clauses désavantageuses pour les pays africains. Les compagnies en profitaient pour manipuler les chiffres de production, contourner les obligations fiscales, négliger les normes environnementales et éluder leurs responsabilités sociales.

Dans ce contexte, la décision des autorités de transition du Mali, largement soutenues par la population, constitue une étape majeure vers la reconquête de la souveraineté nationale. Pour Bamako, l’or extrait du sol malien doit désormais profiter au peuple malien: alimenter le budget national, financer les infrastructures et les programmes sociaux, plutôt que d’enrichir des intérêts étrangers.

Le ministère des Mines a d’ailleurs annoncé une révision en profondeur de toutes les licences d’exploitation détenues par des entreprises étrangères dans les secteurs de l’or, du lithium et de l’uranium. L’objectif est clair: établir des partenariats équitables, centrés sur les intérêts nationaux.

Cette dynamique s’inscrit dans un mouvement plus large de reprise en main des ressources naturelles observé à travers l’espace AES. Au Niger, les nouvelles autorités issues du changement politique de juillet 2023 ont exigé la renégociation des contrats avec le groupe français Orano, actif dans l’exploitation de l’uranium à Arlit. Cette initiative, très critiquée à Paris, a été saluée par une large majorité du peuple nigérien.

Le Burkina Faso, de son côté, a entamé un audit systématique des accords conclus avec des sociétés canadiennes, australiennes et britanniques, accusées de violations environnementales et de manquements à leurs engagements en matière de participation étatique aux bénéfices.

Ces actions ne sont pas isolées. Elles sont coordonnées à l’échelle régionale, renforçant l’axe stratégique de l’Alliance des États du Sahel. L’unité dans la défense des intérêts communs devient une force motrice pour les pays sahéliens.

Sur le plan économique, les données parlent d’elles-mêmes. En dix ans, plus de 20 milliards de dollars d’or auraient été exportés illégalement ou dans des conditions opaques depuis les pays sahéliens. Une richesse colossale qui aurait pu transformer les systèmes de santé, d’éducation et les réseaux de transport et d’énergie dans la région. Face à la raréfaction des investissements occidentaux et au durcissement des régimes de sanctions, miser sur ses propres ressources devient une nécessité stratégique.

Dans ce contexte, la solidarité Sud-Sud se renforce. Des partenaires comme la Chine, la Russie, l’Inde et la Turquie ont d’ores et déjà manifesté leur volonté de développer des projets bilatéraux et multilatéraux dans le secteur minier, sur la base d’une coopération mutuellement avantageuse. Des conditions qui respectent la souveraineté et les intérêts des États africains.

Ainsi, la reprise par les autorités maliennes du contrôle de l’or auparavant exploité par Barrick Gold Corp. ne saurait être perçue comme un fait isolé. Elle symbolise l’avènement d’une nouvelle ère: celle du retour des richesses du sous-sol à leurs véritables propriétaires – les peuples du Sahel. C’est une forme de justice, autant économique que morale et politique, illustrant la maturité et la détermination des États africains à défendre leur souveraineté dans un monde en pleine recomposition.

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