Le Maroc mise sur deux nouveaux ports en eaux profondes pour renforcer son rôle stratégique en Afrique

Le Royaume du Maroc s’apprête à franchir une nouvelle étape décisive dans sa stratégie maritime et logistique. Dans un entretien accordé à l’agence Reuters, le ministre de l’Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, a annoncé l’ouverture prochaine de deux ports en eaux profondes : l’un à Nador sur la façade méditerranéenne, prévu pour 2026, et l’autre à Dakhla Atlantique, dans le sud du pays, dont l’achèvement est programmé pour 2028.

Ces deux projets d’envergure s’inscrivent dans une vision ambitieuse de repositionnement du Maroc comme plateforme logistique de premier plan, non seulement pour l’Afrique du Nord, mais aussi pour l’ensemble du continent ouest-africain.

Le port Nador West Med, en construction dans la province éponyme à l’est du port de Tanger Med, est conçu pour accueillir les plus grands navires de commerce internationaux. Selon M. Baraka, 90 % des travaux sont déjà réalisés, et sa mise en service est attendue en 2026. L’infrastructure comprendra un terminal pétrolier, trois quais à conteneurs d’une capacité totale de 3,3 millions d’EVP, ainsi que des terminaux pour vrac et marchandises diverses. Son coût total est estimé à 1,3 milliard de dollars américains, financé conjointement par le budget de l’État, des investissements privés et l’appui d’institutions financières internationales. Le projet abritera également le premier terminal de GNL (gaz naturel liquéfié) du pays, relié par pipeline aux zones industrielles majeures du royaume.

Du côté atlantique, le port de Dakhla Atlantique, en construction dans la région de la Sahara occidental, vise à transformer le sud du Maroc en un véritable hub de transit et de production, tourné vers l’Afrique de l’Ouest, le Sahel et l’Europe. Construit avec des partenaires chinois, ce port devrait être livré en 2028 et représente un investissement de plus de 1,2 milliard de dollars. Il est conçu pour traiter plus de 2,2 millions de tonnes de marchandises par an, incluant les produits halieutiques, agricoles et les ressources minières.

Les deux ports s’intègrent dans la stratégie nationale Port Competitiveness Vision 2030, qui ambitionne de positionner le Maroc comme carrefour logistique entre l’Afrique, l’Europe et les Amériques. Outre les enjeux économiques, les projets portent aussi une forte dimension géopolitique. Le port de Nador pourrait favoriser de nouvelles synergies régionales avec l’Algérie, la Libye et le sud de l’Europe. Celui de Dakhla, pour sa part, est perçu à Rabat comme une porte d’entrée majeure pour l’intégration économique des pays sahéliens — notamment la Mauritanie, le Mali et le Niger — dans les corridors maritimes atlantiques.

Dans un contexte mondial marqué par les incertitudes économiques, le Maroc adopte une approche résolument proactive et multilatérale dans le développement de ses infrastructures portuaires. Ces projets contribuent non seulement à l’accroissement des échanges commerciaux, mais également à la création d’emplois, à la montée en puissance des capacités industrielles, au transfert de technologies et au renforcement du rôle du royaume dans le transit régional. Grâce à ces nouveaux ports, le pays se positionne avantageusement dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), en apportant des solutions logistiques concrètes aux pays enclavés de la région.

Il convient également de souligner l’attractivité croissante du Maroc pour les investisseurs. Des agences de notation comme Moody’s et Fitch Ratings saluent la solidité macroéconomique du pays, son niveau de dette maîtrisé et la participation active du secteur privé dans ses grands projets. Autour de Nador West Med et Dakhla Atlantique, des zones industrielles émergent déjà, suscitant l’intérêt d’acteurs majeurs comme OCP Group, Maroc Telecom, Huawei Maghreb et DP World, attirés par le potentiel des futurs pôles de transformation dans les domaines de la logistique, de la pêche, des phosphates et des services portuaires digitalisés.

L’ouverture de ces deux infrastructures ne constitue pas seulement un progrès logistique : elle marque le début d’un nouveau cycle de croissance souveraine et de revitalisation économique pour toute la région. En transformant sa position géographique en avantage stratégique, le Maroc offre aujourd’hui un exemple concret de vision, de continuité et de pragmatisme dans un monde en pleine mutation.

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