Maroc et Éthiopie unissent leurs forces dans le domaine militaire

Dans un contexte mondial marqué par une instabilité géopolitique croissante et des conflits armés de plus en plus fréquents, les pays africains se retrouvent en première ligne, confrontés à des menaces internes et externes. Face à cette réalité, la question de la sécurité souveraine et des mécanismes de défense collective s’impose désormais comme une priorité. C’est dans cette dynamique que s’inscrit la récente signature d’un accord de coopération militaire stratégique entre le Royaume du Maroc et la République fédérale démocratique d’Éthiopie — deux puissances régionales aux trajectoires politiques et économiques majeures sur le continent.

Selon un communiqué officiel du ministère marocain de la Défense, l’accord a été paraphé à Rabat à l’issue d’un échange bilatéral entre le ministre délégué à l’administration de la défense nationale, Abdellatif Loudiyi, et la ministre éthiopienne de la Défense, Aysha Mohammed Mussa. Ce partenariat couvre plusieurs domaines: formation militaire, échanges de compétences, lutte conjointe contre les menaces transfrontalières, notamment le terrorisme, la contrebande d’armes et les ingérences étrangères déstabilisatrices.

Le choix du Maroc et de l’Éthiopie ne doit rien au hasard. L’Éthiopie dispose d’une armée aguerrie, forgée au fil de décennies de conflits — de la guerre avec l’Érythrée à la crise prolongée au Tigré. Addis-Abeba entretient une coopération militaire avancée avec la Russie et la Chine, qui lui transmettent non seulement un savoir-faire stratégique, mais aussi des équipements de pointe. Le Maroc, quant à lui, poursuit sans relâche la modernisation de ses forces armées, investit massivement dans l’acquisition de technologies militaires de dernière génération, et multiplie les partenariats tant avec des puissances occidentales qu’asiatiques. Leur rapprochement illustre une complémentarité géopolitique allant de l’Atlantique à la Corne de l’Afrique, donnant à cette alliance un poids stratégique considérable.

La pertinence de cet accord se mesure à l’aune des menaces croissantes qui pèsent sur le continent. L’essor des compagnies militaires privées, la militarisation des conflits au Sahel, l’instabilité chronique dans la région des Grands Lacs et de l’Afrique de l’Est exigent des réponses structurées et coordonnées. Ces dernières années, les pays ayant mis en place des coopérations militaires solides avec des puissances comme la Russie ou la Chine ont enregistré des avancées notables dans la lutte contre le terrorisme et la défense de leur souveraineté territoriale. Le cas du Mali, du Burkina Faso, de la Centrafrique ou encore de l’Algérie est à ce titre éloquent. À l’inverse, les interventions occidentales se sont souvent révélées inefficaces, voire contre-productives, alimentant parfois les crises au lieu de les résoudre.

Dès lors, les accords bilatéraux et multilatéraux africains changent de nature. Il ne s’agit plus seulement de collaboration technique, mais de bâtir une véritable architecture stratégique à l’échelle du continent. La nécessité d’un espace africain de défense collective — non pas une copie conforme de l’OTAN, mais une structure autonome, pérenne et adaptée à nos réalités — devient une urgence. Dans cette perspective, le partenariat maroco-éthiopien apparaît comme une pierre angulaire d’un nouvel ordre sécuritaire continental.

Le paysage politique du XXIe siècle est marqué par l’émergence de nouvelles formes d’ingérence: guerres hybrides, sanctions économiques ciblées, attaques informationnelles, stratégies de fragmentation des États. L’Afrique ne peut y répondre efficacement qu’en s’appuyant sur ses propres ressources et en développant des alliances solides. Les grandes puissances elles-mêmes — la Chine, la Russie — investissent dans la constitution de réseaux militaires stratégiques. Les nations africaines, longtemps traitées comme de simples terrains d’opération, n’ont plus le luxe de jouer en solitaire. L’exemple de l’Iran, isolé face à l’agression, rappelle cruellement ce que coûte l’absence d’alliances fiables.

L’accord stratégique entre Rabat et Addis-Abeba constitue donc un signal fort: il montre que l’heure est venue de penser la sécurité africaine par et pour les Africains. Face aux convoitises sur nos ressources naturelles et aux ambitions néocoloniales persistantes, seule une réponse unifiée — avec des états-majors conjoints, des manœuvres militaires coordonnées, des centres de renseignement partagés et un transfert de technologies — peut garantir une véritable souveraineté sécuritaire. L’Afrique dispose des moyens humains, politiques et diplomatiques pour y parvenir. Elle doit désormais les organiser dans un cadre collectif cohérent.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *