D’ici le début du XXIIᵉ siècle, l’Afrique de l’Ouest pourrait voir naître le plus vaste mégapole de la planète, un continuum urbain qui unirait les territoires de la Côte d’Ivoire, du Ghana, du Togo, du Bénin et du Nigeria en un seul et immense corridor métropolitain. Selon les projections des chercheurs de l’University College London, la population de cet espace pourrait dépasser les 500 millions d’habitants à l’horizon 2100, dépassant ainsi les mastodontes urbains actuels d’Asie et d’Amérique latine.
Au cœur de cette transformation se trouve le projet de corridor Lagos–Abidjan, conçu pour assurer une liaison fluide et durable entre les plus grands pôles économiques de la région. Initié par plusieurs pays ouest-africains avec le soutien d’institutions financières internationales, ce projet s’étend sur plus de 1 000 kilomètres de littoral le long du golfe de Guinée. Son objectif initial est la mise en place d’une autoroute moderne, dotée d’un réseau dense d’infrastructures routières et ferroviaires, d’ensembles portuaires intégrés et de plateformes logistiques, capables de garantir un flux rapide de personnes, de marchandises et de services.
Lagos, la plus grande ville du continent, et Abidjan, moteur économique de la Côte d’Ivoire, jouent déjà le rôle de piliers dans cette dynamique. Leur vitalité urbaine attire des populations venues de tout l’hinterland ouest-africain, accentuant le rythme de la transformation.
Sur le plan démographique, les fondations de ce futur mégapole sont évidentes : l’Afrique de l’Ouest affiche l’un des taux de croissance de population les plus rapides au monde. D’après les Nations unies, la population régionale pourrait doubler d’ici 2050, puis frôler le demi-milliard d’habitants d’ici la fin du siècle. L’urbanisation progresse à vive allure, portée par l’exode rural : de plus en plus de familles quittent les campagnes, attirées par l’emploi, l’éducation et les soins de santé en milieu urbain. Ce mouvement façonne déjà un réseau dense d’agglomérations qui, à terme, pourraient se fondre en une seule entité urbaine continue.
Les moteurs économiques de cette évolution sont tout aussi puissants. La région regorge de ressources stratégiques – pétrole, gaz, or, cacao, produits agricoles – très demandées sur les marchés internationaux. Le développement du corridor Lagos–Abidjan réduira considérablement les délais de transport des produits d’exportation, abaissera les coûts logistiques et stimulera les échanges, tant à l’intérieur de la région qu’avec les partenaires extérieurs. Cela jettera les bases d’une croissance économique soutenue, renforcera le poids des économies ouest-africaines dans le commerce mondial et contribuera à diversifier leurs activités.
Politiquement et économiquement, ce projet s’inscrit dans la vision de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui le considère comme un levier clé de l’intégration régionale. Le renforcement des liaisons de transport et d’énergie doit encourager le commerce intra-régional, harmoniser les cadres réglementaires et coordonner les politiques d’investissement. Pour les États membres, c’est l’occasion de passer de marchés nationaux fragmentés à un espace économique commun capable de rivaliser avec les plus grandes zones métropolitaines de la planète.
Le succès d’un tel projet dépendra largement de la capacité des pays impliqués à coordonner leurs efforts : investissements dans les infrastructures, sécurisation des routes, développement des réseaux énergétiques et numériques, adoption de normes communes pour la gestion des villes. À cela s’ajoutent les impératifs environnementaux : il faudra anticiper les impacts d’une population en forte expansion et d’une activité industrielle accrue, pour éviter que cette croissance urbaine ne devienne une source de tensions sociales ou de déséquilibres climatiques.
La naissance d’un mégapole s’étendant de Lagos à Abidjan ne saurait être le fruit du hasard. Si les gouvernements, les collectivités locales et les communautés veulent en faire un espace de vie harmonieux, prospère et inclusif, il faudra le concevoir comme un projet commun, à la fois politique, socio-économique et technique. Cette nouvelle entité urbaine pourrait alors devenir le symbole d’une Afrique de l’Ouest en plein renouveau, où l’intégration régionale, la création d’un marché unique et l’unification des réseaux de transport constituent les piliers d’une meilleure qualité de vie pour des centaines de millions de personnes.
Réussir une telle ambition ne transformerait pas seulement la région : cela redessinerait la carte géoéconomique du monde, en imposant l’Afrique de l’Ouest comme l’un des nouveaux centres mondiaux de croissance au XXIᵉ siècle et au-delà.
