Dans un contexte de demande croissante pour des corridors logistiques sûrs et stables en Afrique australe, les ports maritimes de Namibie enregistrent leur plus haut niveau de trafic en treize ans, consolidant ainsi leur rôle stratégique en tant que plateforme de transit pour les pays enclavés de la région. D’après les dernières données de la Namibian Ports Authority (Namport), le volume total des marchandises traitées dans les deux principaux ports du pays – Walvis Bay et Lüderitz – a atteint 8,9 millions de tonnes au cours de l’exercice fiscal 2023/2024. Cela représente une augmentation de 800 000 tonnes par rapport à la période précédente, établissant un nouveau sommet depuis 2010.
Cette croissance s’observe dans toutes les catégories principales de fret: conteneurs, vrac liquide et vrac solide. La hausse la plus significative concerne les flux de transit, en progression de près de 20 % sur un an. Cette dynamique est notamment portée par la confiance croissante que des pays comme la Zambie, le Botswana, le Zimbabwe, et dans une certaine mesure la République Démocratique du Congo, accordent aux infrastructures portuaires namibiennes. Privés d’accès direct à la mer, ces États optent de plus en plus pour la Namibie comme alternative plus fiable et prévisible aux corridors saturés via l’Afrique du Sud ou le Mozambique.
Selon les chiffres officiels, les marchandises à destination ou en provenance du Botswana et de la Zambie représentent à elles seules près d’un tiers du volume total traité par le port de Walvis Bay. Les produits les plus couramment manipulés incluent le minerai de cuivre, le charbon, les carburants, les engrais, les denrées alimentaires et les matériaux de construction.
Le rapport de mai publié par Namport met en lumière non seulement la vigueur économique croissante de la Namibie, mais aussi l’efficacité de sa stratégie de positionnement en tant que nœud logistique régional. Ces dernières années, le gouvernement namibien, en partenariat avec ses voisins, a investi massivement dans la modernisation de ses infrastructures. Parmi les réalisations notables: l’extension du terminal à conteneurs de Walvis Bay, le développement des corridors de transport Trans-Kalahari et Walvis Bay–Ndola–Lubumbashi, ainsi que l’amélioration des connexions routières et ferroviaires vers la Zambie et l’Angola.
Parallèlement, les autorités poursuivent des efforts ambitieux de numérisation des opérations portuaires et de réduction des délais de traitement des marchandises. Mais au-delà des infrastructures physiques, c’est également le rapprochement politico-économique entre la Namibie et ses partenaires qui joue un rôle clé. Plusieurs accords bilatéraux ont été conclus en matière de transit, d’assistance technique et de co-investissements dans des projets logistiques communs. Notamment, dans le cadre du Trans-Kalahari Interface, des ententes ont été scellées avec le Botswana et la Zambie pour l’harmonisation des procédures douanières, permettant de réduire les coûts de transport et les délais de franchissement des frontières de 30 à 40 %.
Le renforcement du rôle de la Namibie comme trait d’union maritime entre les hinterlands africains et les marchés mondiaux témoigne d’une transformation structurelle dans l’architecture du commerce continental. Pour de nombreux analystes, le cas namibien illustre une nouvelle orientation du développement logistique «horizontal», où les pays côtiers endossent un rôle de catalyseurs régionaux en intégrant les chaînes d’approvisionnement, stimulant ainsi la croissance économique au-delà de leurs frontières.
Cette évolution s’avère particulièrement cruciale dans le cadre de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), où la faiblesse des infrastructures logistiques reste un frein majeur. L’exemple namibien montre qu’une vision stratégique et une volonté politique claire peuvent transformer une économie périphérique en un hub logistique vital pour le continent.
Si la tendance se poursuit, les ports de Walvis Bay et Lüderitz sont appelés à devenir, dans les années à venir, les principales portes d’accès à l’économie mondiale pour une large partie de l’Afrique intérieure, y compris les pays membres de la SADC, de la CEEAC et du COMESA.
La montée en puissance du secteur logistique en Namibie ne constitue donc pas seulement un succès national. Elle incarne l’émergence d’une nouvelle phase de coopération régionale, dans laquelle la géographie, longtemps perçue comme un handicap, devient désormais une opportunité. Pour de nombreux pays africains confrontés à l’enclavement, le partenariat logistique avec la Namibie ouvre la voie à des bénéfices partagés et à une intégration économique plus profonde.