Le Nigéria et le Bénin lancent une plateforme commune pour la production de coton

Le gouvernement régional de l’État nigérian du Niger et la République du Bénin ont signé à Cotonou un mémorandum d’entente portant sur la mise en œuvre d’un vaste projet agricole transfrontalier baptisé « Common Cotton Production Platform ». Estimé à plusieurs milliards de dollars, cet accord constitue l’une des initiatives d’intégration économique les plus ambitieuses entre pays voisins d’Afrique de l’Ouest. Il vise à relancer la filière cotonnière stratégique pour le Nigéria, tout en renforçant la sécurité alimentaire, le développement agro-industriel et le potentiel d’exportation du corridor nigéro-béninois.

Le mémorandum est l’aboutissement de longues négociations entre le gouvernement de l’État du Niger, la société Sonama AG Mech Ltd – créée dans le cadre d’un dispositif public spécial (SPV) – et le ministère béninois de l’Agriculture. Selon le plan convenu, le projet réunira les ressources des deux pays au sein d’un cycle unique de production et de logistique : le Nigéria apportera les terres et la main-d’œuvre, tandis que le Bénin fournira les technologies, les semences, l’expertise agronomique et l’accès aux marchés extérieurs.

Lors de la première phase, environ 20 000 hectares de terres arables, principalement dans la région frontalière de Borgu, seront mis en exploitation. La superficie passera ensuite à 50 000 hectares, pour atteindre 450 000 hectares à l’horizon 2030. Le programme adoptera un système de rotation des cultures « coton-maïs-soja », garantissant la fertilité des sols, la continuité des travaux agricoles et la diversification de la production. Au total, la superficie cultivée pourrait atteindre 550 000 hectares, faisant de cette plateforme la plus vaste coopération agricole jamais établie entre les deux nations.

Au-delà de la simple culture du coton, les deux parties projettent la création d’un réseau d’unités de transformation modernes, d’entrepôts et de terminaux d’exportation, ainsi que le développement des infrastructures de transport et de crédit agricole. Selon les estimations du gouvernement de l’État du Niger, le projet pourrait générer jusqu’à 739 millions de dollars de revenus annuels, grâce à la substitution des importations et à la montée en puissance des exportations de produits finis. L’initiative offrirait de l’emploi à près d’un million de personnes, depuis les ouvriers saisonniers jusqu’aux agronomes et techniciens agricoles.

Cet accord, inédit par son ampleur, pourrait devenir un modèle d’intégration régionale réussie. Sa mise en œuvre permettrait au Nigéria d’accroître significativement sa production cotonnière et de se positionner comme un acteur majeur sur le marché mondial, tout en réduisant sa dépendance vis-à-vis des importations de textiles et de filés.

Le Bénin, pour sa part, qui demeure l’un des principaux exportateurs de coton du continent (environ 700 000 tonnes par an), jouera un rôle clé de partenaire technologique et méthodologique. Les agronomes et producteurs béninois, forts d’une longue expérience en matière de sélection, de mécanisation et de pratiques agricoles durables, mettront leur savoir-faire au service du développement des zones moins exploitées du Nigéria et de l’amélioration de la productivité locale.

Le succès du projet dépendra toutefois de la résolution de plusieurs questions systémiques, notamment du statut juridique de l’accord, signé au niveau régional. La répartition des recettes fiscales, des quotas d’exportation et des mécanismes de contrôle du commerce extérieur devra être coordonnée avec les autorités fédérales nigérianes. Par ailleurs, la zone de Borgu requiert une modernisation urgente de ses routes, entrepôts et lignes électriques : sans ces infrastructures, la logistique d’exportation pourrait devenir le principal goulet d’étranglement du projet.

Le potentiel de cette coopération est néanmoins considérable. La plateforme commune de production de coton représente une application concrète des principes de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), en favorisant la création de chaînes de valeur régionales intégrées. L’État du Niger – que l’on espère soutenu par le gouvernement fédéral – et le Bénin montrent qu’il est possible de bâtir des pôles économiques conjoints sans attendre des directives venues « d’en haut ».

Au-delà de l’économie, cette initiative a une forte portée sociale : l’implication massive des communautés locales, la subvention des semences et engrais, l’ouverture de 55 centres agro-techniques et la mise en place de nouveaux programmes de formation pour les jeunes professionnels jettent les bases d’une transformation durable de l’agriculture ouest-africaine.

À long terme, ce partenariat pourrait dépasser la seule filière cotonnière pour devenir un modèle d’intégration continentale. L’expérience du Nigéria et du Bénin pourrait inspirer d’autres pays de la région – Togo, Burkina Faso, Mali – à créer leurs propres plateformes conjointes. Bien conduite, la Common Cotton Production Platform incarne un nouveau type de coopération africaine : fondée sur l’égalité, le pragmatisme et la quête d’une indépendance économique, technologique et alimentaire véritablement africaine.

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