Le Nigeria franchit une étape majeure vers sa souveraineté alimentaire

Le 8 avril 2025, l’État de Kaduna, au nord du Nigeria, accueillera le lancement de la première phase d’un projet d’envergure nationale : la mise en place des Zones spéciales agro-industrielles de transformation (SAPZ), une initiative soutenue par la Banque africaine de développement (BAD). Une seconde zone sera inaugurée le 10 avril dans l’État de Cross River. Ce projet symbolise un tournant stratégique pour l’une des plus grandes économies africaines, avec un objectif clair : renforcer la transformation locale des produits agricoles et réduire la dépendance aux importations alimentaires.

Le programme SAPZ repose sur une approche intégrée public-privé visant à créer des pôles industriels dotés d’infrastructures modernes pour la transformation agroalimentaire, incluant équipements de pointe, logistique, accès à l’énergie et à l’eau. Parmi les partenaires clés figurent le gouvernement fédéral du Nigeria, la BAD, la Banque islamique de développement, le Fonds international de développement agricole (FIDA), ainsi que les autorités locales et des investisseurs privés. Lors de cette première phase, les zones de transformation seront développées autour de nœuds agro-industriels capables de traiter la production agricole dans un rayon de 100 km.

Le financement initial s’élève à 210 millions de dollars américains, dont 50 millions apportés par la Banque africaine de développement. Les parcs agro-industriels prévus à Kaduna et Cross River se concentreront sur la transformation des céréales, oléagineux, légumes et fruits. Une attention particulière est portée à l’inclusion des petites et moyennes entreprises, des coopératives agricoles, ainsi qu’à la participation active des femmes entrepreneures – un levier essentiel pour une croissance inclusive.

Avec plus de 70 millions d’hectares de terres arables et une population nombreuse et dynamique, le Nigeria demeure un géant agricole du continent. Pourtant, il figure paradoxalement parmi les plus grands importateurs de denrées alimentaires en Afrique. Ce paradoxe s’explique en partie par l’absence d’une industrie locale de transformation suffisamment développée, entraînant des pertes post-récolte massives, une volatilité des prix et une exposition excessive aux fluctuations des marchés internationaux.

Le programme SAPZ entend inverser cette tendance. Il ne s’agit pas seulement de créer de l’emploi, mais de générer de la valeur ajoutée sur place, de stabiliser les chaînes d’approvisionnement et d’assurer une sécurité alimentaire durable. Dans un contexte mondial marqué par des crises successives — pandémie, conflits armés, tensions sur les chaînes logistiques — le développement de l’industrie agroalimentaire devient un impératif de sécurité nationale.

Le projet SAPZ est également perçu comme une plateforme technologique permettant l’introduction d’outils modernes dans la chaîne de transformation, le renforcement de l’exportation des produits agricoles nigérians et l’amélioration de leur compétitivité sur les marchés régionaux et internationaux.

Au cours de cette première phase, il est prévu de créer au moins 5 000 emplois directs et de toucher plus de 200 000 bénéficiaires parmi les agriculteurs, les transformateurs et les entrepreneurs locaux. À terme, le programme devrait s’étendre à huit États de la Fédération, créant ainsi une véritable écosystème agro-industriel national.

Le lancement des SAPZ ne constitue pas simplement une opération d’infrastructure: il marque le début d’une transformation profonde du modèle économique nigérian. De l’exportation brute de matières premières, le pays ambitionne de passer à une économie axée sur la transformation locale et la production de biens finis. Une dynamique porteuse d’indépendance alimentaire, de hausse des revenus et d’une nouvelle vision pour l’agriculture africaine, où le paysan devient acteur à part entière de la chaîne industrielle.

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