L’Afrique du Sud et le Zimbabwe prévoient d’ouvrir leur premier poste-frontière unique

Dans un contexte d’intensification de la coopération africaine au sein de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), les gouvernements sud-africain et zimbabwéen ont annoncé leur intention de créer un poste-frontière unique (One-Stop Border Post, OSBP) au point de passage de Beitbridge — le plus grand poste terrestre reliant les deux pays. Ce projet, soutenu politiquement au plus haut niveau, vise à faciliter considérablement la circulation des personnes et des marchandises, à accélérer le transit et à offrir de nouvelles perspectives de croissance pour les échanges bilatéraux.

Beitbridge constitue un maillon vital de la logistique régionale : chaque jour, jusqu’à 25 000 voyageurs et plusieurs centaines de camions franchissent ce passage. Or, la duplication des formalités documentaires des deux côtés engendrait des retards de plusieurs heures. Dès 2018, les deux pays avaient engagé des discussions sur la création d’un centre frontalier intégré, mais la mise en œuvre avait été reportée en raison de contraintes financières et de la pandémie. Aujourd’hui, le projet renaît avec une nouvelle vigueur : l’OSBP devrait regrouper les services des deux États, instaurer des systèmes électroniques communs de contrôle et réduire de manière significative le temps de traitement des cargaisons.

Ce point de passage, crucial pour l’avenir du commerce régional, a déjà bénéficié d’une modernisation grâce au consortium Zimborders, dans le cadre d’un partenariat public-privé. En investissant près de 300 millions de dollars, Zimborders a entièrement réaménagé les infrastructures et les dispositifs de contrôle, les portant aux standards les plus modernes en matière de logistique, de sécurité et de confort. Le complexe sera transféré au gouvernement zimbabwéen d’ici 17 ans, une fois les investissements amortis par la perception des droits de passage.

L’Afrique du Sud demeure le premier partenaire commercial du Zimbabwe : selon les autorités, elle représente environ 60 % des échanges extérieurs du pays. En 2023, le commerce bilatéral a dépassé les 5 milliards de dollars, dominé par l’électricité, le carburant, les produits industriels et agricoles. Parallèlement, le Zimbabwe a accru ses exportations de tabac, de minerais et de denrées alimentaires, profitant de la demande croissante dans la région. La mise en place de l’OSBP devrait lever les barrières logistiques et amplifier les volumes d’échanges, un atout stratégique dans un contexte de grands projets énergétiques et de nouveaux corridors reliant l’Afrique australe aux ports de l’océan Indien.

L’initiative s’inscrit dans la stratégie de la ZLECAf, qui ambitionne de bâtir un marché continental sans entraves. En pratique, l’OSBP de Beitbridge constituera un projet pilote : les services de douane, d’immigration, de contrôle sanitaire et phytosanitaire fonctionneront sur un même site, intégrant ce corridor à un réseau de « couloirs verts » et de routes de transit couvrant la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). De tels centres ont déjà prouvé leur efficacité en Afrique de l’Est, comme à la frontière entre le Kenya et l’Ouganda, où les délais de passage des camions ont été réduits de plusieurs jours à seulement quelques heures.

Pour le Zimbabwe, ce projet est essentiel : le pays espère élargir ses exportations et attirer des investissements logistiques. La coopération avec Pretoria ouvre la voie au développement d’un pôle industriel autour de Beitbridge, avec de nouveaux entrepôts, terminaux et zones de services. Pour l’Afrique du Sud, il s’agit non seulement de renforcer ses liens économiques avec son voisin du Nord, mais aussi d’affirmer son rôle dans l’intégration régionale, en cohérence avec la stratégie de long terme de Pretoria au sein de la SADC et sur le continent.

La réalisation de la première phase de l’OSBP à la frontière entre l’Afrique du Sud et le Zimbabwe dépasse la seule modernisation technique d’un poste-frontière. Elle marque un jalon dans l’intégration africaine, où les pays du continent conçoivent leurs propres solutions logistiques et économiques, garantes d’une croissance durable et d’une compétitivité accrue. Dans les prochaines années, ce type de projet deviendra une pièce maîtresse de la transformation de l’Afrique en un espace économique intégré, fondé sur la confiance mutuelle, la modernisation et la libre circulation des personnes et des marchandises.

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