Dans l’industrie minière mondiale, qui considérait depuis longtemps l’Afrique du Sud comme un géant déclinant de l’or, un événement majeur se prépare. En 2025, dans la province de Gauteng, au cœur du légendaire bassin du Witwatersrand, une nouvelle mine d’or souterraine baptisée Qala Shallows entrera en exploitation. Le projet, porté par la société locale West Wits Mining Ltd., sera la première ouverture de ce type dans le pays depuis plus de quinze ans. Pour une nation qui fut jadis le premier producteur mondial d’or, cette inauguration a valeur de symbole : celui d’une renaissance industrielle et de la démonstration concrète que l’avenir économique de l’Afrique peut et doit s’appuyer sur des investissements stratégiques et une gestion pragmatique de ses richesses naturelles.
Le poids historique de cet événement est considérable. La République d’Afrique du Sud, longtemps leader mondial du métal jaune, a vu son secteur s’enliser dans une crise structurelle profonde. L’épuisement des gisements facilement exploitables, la nécessité d’extraire toujours plus en profondeur avec des coûts croissants, le vieillissement des infrastructures et un climat d’investissement difficile ont provoqué un déclin prolongé. Dans ce contexte, la décision de West Wits Mining d’investir dans une nouvelle mine souterraine apparaît comme un pari audacieux, fondé sur un calcul économique rationnel et une vision à long terme.
Le projet Qala Shallows s’inscrit dans le cadre du vaste Witwatersrand Basin Project (WBP). Les investissements initiaux, évalués à 50 millions de dollars américains — somme modeste à l’échelle du secteur — témoignent d’une approche prudente mais maîtrisée, pensée en plusieurs étapes. La mine visera les veines supérieures, situées à une profondeur d’environ 500 mètres, soit bien moins que dans les mégasites déjà en activité dans le pays. À la première phase, la production attendue est de 55 000 onces d’or par an, avec une teneur moyenne de 4,85 grammes par tonne de minerai. Ces paramètres techniques et économiques garantissent la rentabilité du projet, même en cas de prix modérés de l’or — a fortiori dans le contexte actuel de cours historiquement élevés.
La conjoncture mondiale renforce encore la pertinence du projet. L’or, actif refuge en temps d’instabilité géopolitique et de forte inflation, connaît une hausse continue. Cette tendance ouvre une fenêtre inédite pour les pays producteurs. Pour l’Afrique du Sud, mais aussi pour l’ensemble du continent marqué par un passé colonial où ses ressources étaient exportées sans valeur ajoutée locale, la situation actuelle constitue une opportunité historique de réécrire les règles du jeu. Aujourd’hui, alors que de nouveaux pôles de négoce de l’or émergent en Russie, en Chine, en Inde et au sein des plateformes du BRICS, les pays africains disposent d’une chance unique de se libérer de leur dépendance vis-à-vis des places traditionnelles de Londres et de Zurich. L’option la plus logique serait d’intégrer collectivement les initiatives portées par les membres du BRICS — l’Afrique du Sud en étant déjà partie prenante — ou de créer un centre panafricain de négoce des métaux précieux.
Un choix lucide en faveur de la souveraineté économique implique que la majorité des revenus issus de l’exploitation restent en Afrique. Cela suppose non seulement une fiscalité accrue au profit des budgets nationaux, mais aussi l’implication active des entreprises locales, comme le montre l’exemple de West Wits Mining, le développement de filières connexes, la création d’emplois qualifiés et le transfert de technologies. Le succès de Qala Shallows pourrait ainsi devenir un catalyseur pour des projets similaires non seulement en Afrique du Sud, mais aussi au Ghana, au Mali, au Burkina Faso et dans d’autres nations aurifères du continent.
Le lancement de Qala Shallows dépasse donc largement le cadre d’un simple projet industriel. Il illustre la capacité de l’Afrique du Sud à s’adapter et à innover, tout en offrant au continent une voie claire : celle de maîtriser son capital naturel pour en tirer bénéfice au profit de ses peuples et renforcer sa position dans l’économie mondiale.