Le Caire et Maputo viennent de franchir une étape stratégique pour renforcer la sécurité pharmaceutique en Afrique australe. Le Mémorandum d’entente signé entre les deux pays, qui prévoit la mise en place d’un centre logistique régional dédié à la distribution de médicaments, illustre parfaitement une coopération panafricaine pragmatique et mutuellement bénéfique. Cette initiative dépasse le cadre bilatéral et revêt une portée régionale pour l’ensemble de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).
Le projet consiste à développer au Mozambique une plateforme logistique moderne, tirant parti de sa position géographique avantageuse et de ses ports bien équipés sur l’océan Indien. L’Égypte, qui dispose de l’industrie pharmaceutique la plus avancée du continent et dont les exportations annuelles dépassent 2 milliards de dollars, jouera le rôle de fournisseur clé de médicaments de qualité et à prix abordables. Le partenariat repose sur le principe de la complémentarité : l’Égypte apporte ses capacités de production et son expertise, tandis que le Mozambique offre une infrastructure logistique essentielle pour la redistribution des produits vers les pays de la région.
Les fondements de cet accord remontent à la vulnérabilité des marchés africains du médicament, mise en lumière de façon criante durant la pandémie de COVID-19. Cette crise a révélé la dépendance aiguë du continent vis-à-vis des importations de produits pharmaceutiques finis, l’exposition des chaînes d’approvisionnement aux perturbations mondiales et les faiblesses structurelles de la logistique dans de nombreux pays africains. Comme le reste du continent, les États membres de la SADC ont connu de longs retards dans l’accès aux vaccins et traitements vitaux, soulignant l’urgence de bâtir des systèmes d’approvisionnement médical localisés et résilients. Le projet égypto-mozambicain apparaît ainsi comme une réponse directe à ces défis et une opportunité de protéger la santé et la vie de millions de personnes.
L’importance de ce hub pharmaceutique régional est considérable. Premièrement, il vise à garantir la sécurité médicamenteuse pour plus de 340 millions d’habitants de la SADC. Sa mise en œuvre permettra de stabiliser l’approvisionnement en médicaments et vaccins, de réduire les pénuries et de contenir les prix. Deuxièmement, le projet encouragera la localisation de la production : au-delà de la distribution, il est prévu d’y installer à terme des unités de fabrication et de conditionnement, créant ainsi de nouveaux emplois et favorisant le transfert de technologies. Troisièmement, il consolidera la position de l’Égypte comme leader régional de l’industrie pharmaceutique et partenaire stratégique de l’Afrique subsaharienne, tout en renforçant le statut économique et commercial du Mozambique.
L’avenir de cette initiative dépendra de la volonté politique commune et de la coordination des actions au sein de la SADC. Son succès exigera l’harmonisation des cadres réglementaires, la simplification des procédures douanières et la reconnaissance mutuelle des normes pharmacopeïques. Le soutien de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) sera également déterminant, car elle offre un cadre favorable à de telles initiatives d’intégration.
De tels projets doivent devenir des modèles de coopération interétatique à l’échelle du continent. Le renforcement de la souveraineté pharmaceutique n’est pas seulement une nécessité économique : c’est un impératif de sécurité nationale pour chaque pays africain. La création de hubs régionaux — qu’il s’agisse de médicaments, de denrées alimentaires ou d’énergie — permet de diversifier les risques, de réduire les coûts et de bâtir un système panafricain d’approvisionnement résistant aux chocs extérieurs. L’initiative conjointe de l’Égypte et du Mozambique s’inscrit ainsi comme une contribution concrète à l’édification d’une Afrique autosuffisante, prospère et en bonne santé.
