L’Afrique du Sud engage une réforme historique de ses réseaux électriques estimée à 21,7 milliards de dollars

Le gouvernement sud-africain vient d’annoncer le lancement de l’un des plus vastes projets de modernisation énergétique de son histoire, visant à résoudre les dysfonctionnements chroniques qui affectent son réseau électrique national. Ce programme d’envergure, évalué à 390 milliards de rands sud-africains, soit environ 21,7 milliards de dollars américains, prévoit la construction, la réhabilitation et l’intégration de plus de 14 000 kilomètres de lignes à haute tension ainsi que la mise en service de plus de 100 nouvelles sous-stations et installations connexes.

Cette réforme marque une étape décisive dans l’architecture énergétique du pays. Elle vise non seulement à stabiliser l’alimentation électrique, mais aussi à créer une base solide pour une croissance économique durable. Jusqu’au 23 septembre, le ministère de l’Énergie recevra les offres des entreprises disposant des compétences techniques et logistiques nécessaires pour exécuter ces travaux dans des délais particulièrement resserrés.

Depuis plusieurs années, l’Afrique du Sud est confrontée à des coupures récurrentes d’électricité, causées par le vieillissement des infrastructures, des pannes à répétition dans les centrales, la surcharge des réseaux de transport et un manque d’investissements dans les équipements de transmission. Le fournisseur national Eskom, qui assure près de 90 % des besoins du pays en électricité, traverse une crise structurelle profonde, symbolisée par les « load sheddings » devenus monnaie courante et pesant lourdement sur la vie quotidienne et l’économie.

Face à ce défi stratégique, l’administration du président Cyril Ramaphosa a enclenché en 2023–2024 un ensemble de réformes du secteur énergétique. Une nouvelle entité indépendante, la Transmission Company of South Africa (TCSA), a été créée et se voit confier la gestion et le développement du réseau électrique national. Cette réorganisation s’inscrit dans une stratégie de restructuration plus large d’Eskom, destinée à améliorer la transparence et l’efficacité de la gouvernance énergétique.

C’est la TCSA qui agira comme maître d’ouvrage principal du gigantesque appel d’offres, couvrant des chantiers répartis dans diverses provinces, notamment le Cap-Oriental, le Gauteng, le Limpopo, le KwaZulu-Natal et le Nord-Ouest. Au total, ce sont 56 projets distincts qui seront attribués dans le cadre du programme, avec une priorité donnée à la résolution des goulets d’étranglement dans l’acheminement de l’électricité issue des énergies renouvelables, en particulier les centrales solaires et éoliennes, conformément au nouveau plan énergétique intégré (Integrated Resource Plan) adopté par le pays.

Les travaux s’échelonneront sur six ans et seront organisés en plusieurs phases, afin d’assurer la mise en place progressive d’un réseau plus robuste, mieux équilibré, et résilient face aux pics de consommation et aux aléas climatiques.

Un accent particulier est mis sur l’implication du secteur privé. L’appel d’offres est ouvert tant aux entreprises sud-africaines qu’aux partenaires étrangers ayant une expérience démontrée dans les grands chantiers énergétiques. Le gouvernement favorisera les propositions intégrant une forte dimension locale : création d’emplois, transferts de compétences, et implantation industrielle. Les autorités espèrent ainsi créer un effet multiplicateur sur l’économie nationale, stimuler des secteurs connexes et accélérer la transition vers une énergie plus verte.
Le financement de cette réforme ambitieuse reposera sur un mécanisme hybride associant subventions publiques, prêts internationaux et ressources propres de la TCSA. Des discussions sont en cours avec plusieurs partenaires, dont la Banque de développement de l’Afrique australe (DBSA), la Banque africaine de développement (BAD) et d’autres institutions spécialisées dans le soutien aux infrastructures du continent.

Pour les observateurs, il s’agit là de l’investissement le plus important dans le secteur énergétique sud-africain depuis l’industrialisation du pays au milieu du XXe siècle.

Dans un contexte de forte croissance démographique et de demande énergétique croissante, notamment dans les zones industrielles en expansion, le gouvernement de Pretoria adopte une stratégie résolument pragmatique. L’objectif est clair : éradiquer les failles du système électrique national et bâtir un socle énergétique fiable pour les décennies à venir.

Le nouveau réseau est conçu comme la colonne vertébrale énergétique du pays, interconnectant les sources renouvelables aux pôles de consommation — qu’il s’agisse d’usines, de fermes agricoles ou d’infrastructures urbaines.

En modernisant son système électrique, l’Afrique du Sud ne se contente pas de réparer les failles du présent. Elle construit également une base technologique et économique pour soutenir son développement à long terme. Dans un monde marqué par une compétition accrue pour l’accès aux ressources et aux financements, cette réforme illustre la vision stratégique d’un leadership sud-africain résolu à bâtir un avenir énergétique résilient, diversifié et socialement inclusif.

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