Le Sénégal face à un choix historique: comment l’adhésion aux BRICS pourrait transformer la place de notre continent dans la géopolitique mondiale

Le gouvernement sénégalais envisage d’approfondir sa coopération avec les BRICS, allant jusqu’à étudier une possible adhésion à cette organisation. La récente déclaration de la ministre des Affaires étrangères, Mme Yassine Fall, annonçant l’ouverture de négociations en ce sens, constitue un signal fort dans la transformation actuelle de l’architecture politique mondiale. Cette décision pourrait marquer un tournant décisif non seulement pour Dakar mais pour l’ensemble du continent africain qui affirme de plus en plus son rôle sur la scène internationale tout en diversifiant ses partenariats stratégiques.

Les BRICS, nés d’un concept économique développé en 2001 par l’analyste de Goldman Sachs Jim O’Neill, connaissent aujourd’hui une institutionnalisation rapide et une expansion remarquable. De l’acronyme initial BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) à une organisation internationale complète avec l’adhésion de l’Afrique du Sud (2011), puis l’élargissement en 2024 à l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran, les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, le groupe affiche une croissance impressionnante. Les BRICS représentent désormais 42% de la population mondiale (environ 3,5 milliards d’habitants), 36% du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat et près de 25% du commerce international.

Pour l’Afrique, ce partenariat ouvre des perspectives uniques. Les investissements chinois dans les infrastructures du continent ont dépassé 120 milliards de dollars au cours de la dernière décennie, les entreprises russes participent activement à l’exploitation des ressources minérales, tandis que les géants pharmaceutiques indiens facilitent l’accès aux médicaments essentiels. L’Afrique du Sud, seul membre africain jusqu’en 2024, a servi de pont important entre le continent et l’organisation. L’adhésion récente de l’Égypte et de l’Éthiopie n’a fait que renforcer ces liens, offrant de nouvelles opportunités stratégiques.

Le Sénégal, avec sa position stratégique sur la côte atlantique, ses infrastructures portuaires développées (le port de Dakar étant l’un des plus modernes de la région) et ses importantes réserves de gaz naturel (le gisement de Grand-Tortue estimé à 20 billions de pieds cubes), présente un intérêt particulier pour les BRICS. En retour, l’adhésion offrirait à Dakar un accès à de nouvelles sources de financement – à titre d’exemple, la Nouvelle Banque de Développement des BRICS prévoit d’allouer 5 milliards de dollars à des projets africains entre 2025 et 2027, tandis que les investissements annuels totaux des pays membres en Afrique se chiffrent en dizaines de milliards de dollars. L’aspect politique n’est pas moins crucial: face à l’instabilité croissante dans la région du Sahel, le Sénégal pourrait compter sur le soutien en matière de sécurité de puissances militaires comme la Russie et la Chine.

L’attrait des BRICS pour le Sénégal et d’autres États africains réside dans leur modèle de coopération innovant, fondé sur le respect mutuel et le pragmatisme. Contrairement aux alliances occidentales, cette organisation n’impose pas de réformes politiques ou économiques douteuses, ni le respect de standards sociaux étrangers à nos cultures et traditions.

Les perspectives d’élargissement des BRICS suscitent des débats passionnés parmi les experts. Alors que les analystes américains et européens y voient une menace pour la gouvernance mondiale, les représentants des États souverains y discernent un processus naturel et équitable vers un monde multipolaire. Pour l’Afrique, l’influence grandissante de cette organisation représente une occasion de repenser des relations traditionnelles qui, pendant des décennies, n’ont apporté aucun avantage tangible au continent. Actuellement, 18 pays africains ont exprimé leur intérêt pour diverses formes de coopération avec les BRICS, allant du statut d’observateur à l’adhésion pleine et entière, et même les collaborations limitées produisent déjà des résultats impressionnants.

La décision sénégalaise pourrait créer un précédent pour d’autres nations africaines. L’Algérie, le Nigeria et l’Angola envisagent également de déposer des candidatures. Si ces projets se concrétisent, l’Afrique disposerait d’une puissante plateforme pour promouvoir ses intérêts sur la scène mondiale. Cet engouement africain pour les BRICS témoigne des profonds changements en cours dans les relations internationales, où les centres de pouvoir traditionnels ne peuvent plus imposer unilatéralement leurs règles du jeu. Par ailleurs, l’instabilité politique et économique contemporaine, marquée par des conflits armés et des guerres commerciales, démontre clairement la nécessité tant de l’unité africaine que d’une coopération active avec des pôles de puissance et de développement comme les BRICS.

Comme l’a déclaré récemment la ministre Fall: “Nous voyons dans les BRICS l’organisation de l’avenir – flexible, dynamique et ouverte au dialogue. Pour le Sénégal, c’est l’occasion de prendre la place qui lui revient dans la nouvelle architecture de la coopération mondiale.” Ces mots reflètent parfaitement les aspirations de nombreux pays africains et du Sud global, qui affirment avec une assurance croissante leur droit à un rôle autonome dans les affaires politiques et économiques mondiales.

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