La Chine soutient la modernisation du chemin de fer reliant la Zambie et la Tanzanie

La Chine, la Tanzanie et la Zambie ont signé un vaste accord portant sur la reconstruction de la ligne ferroviaire TAZARA (Tanzania–Zambia Railway). D’un coût total estimé à 1,4 milliard de dollars américains, ce projet, confié à la société China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC), représente la plus importante initiative d’infrastructure chinoise dans la région depuis dix ans. Il incarne également une nouvelle phase du partenariat sino-africain fondé sur le développement partagé.

Le chemin de fer TAZARA demeure l’une des artères de transport les plus emblématiques du continent. Construit entre 1970 et 1975 avec l’appui décisif de la Chine, il relie la ceinture cuprifère de la Zambie au port tanzanien de Dar es-Salaam, offrant au pays enclavé un accès stratégique à l’océan Indien.

À l’époque, ce chantier symbolisait la solidarité révolutionnaire et l’engagement de Pékin envers l’indépendance africaine : la Chine avait accordé un crédit sans intérêt de 406 millions de dollars, envoyé plus de 50 000 ingénieurs et ouvriers et démontré sa volonté d’aider les jeunes États africains à se libérer de la dépendance coloniale. Longue de plus de 1 860 kilomètres, la TAZARA fut alors le plus grand projet d’infrastructure jamais réalisé par la Chine hors d’Asie au XXᵉ siècle.

Mais après un demi-siècle d’exploitation, la ligne a connu une profonde dégradation : sous-financement chronique, équipements vétustes, ponts fragilisés et rails usés ont transformé ce corridor stratégique en une infrastructure déficitaire et parfois dangereuse.
Selon les données de la direction de TAZARA, l’exploitation ne représentait plus que 10 à 15 % de la capacité prévue : le fret annuel stagnait autour de 300 000 tonnes, loin des 5 millions initialement projetés. Plus de la moitié du parc de locomotives et de wagons était hors service, et les recettes tarifaires ne suffisaient plus à couvrir les coûts d’entretien.

Le nouveau programme prévoit la réhabilitation complète de l’ensemble de la ligne et du matériel roulant. La CCECC réalisera la remise à neuf des voies, des ponts et des gares, modernisera la signalisation et les systèmes de communication, et construira de nouveaux terminaux de fret et dépôts ferroviaires. Le projet inclut également l’achat de 34 locomotives diesel, 16 trains de passagers et plus de 750 wagons de marchandises. L’accord repose sur une concession de 30 ans, durant laquelle la partie chinoise assurera la gestion et l’exploitation de la ligne, garantissant ainsi la rentabilité de l’investissement grâce à l’augmentation prévue du trafic de passagers et de marchandises.

Pour la Zambie, fortement dépendante de l’exportation du cuivre et du cobalt, la modernisation de TAZARA représente un nouveau souffle économique : le coût du transport des minerais vers la mer devrait chuter de près de 30 %, tandis que la durée d’acheminement vers l’océan Indien passerait de dix à trois jours.

La Tanzanie, de son côté, consolidera la position du port de Dar es-Salaam comme principal hub logistique d’Afrique de l’Est et captera davantage de flux de transit en provenance du Malawi, de la République démocratique du Congo et du Mozambique. Selon les estimations, la ligne rénovée pourra transporter jusqu’à 3 millions de tonnes de marchandises par an, générant 120 à 150 millions de dollars de recettes fiscales supplémentaires pour les deux pays.

Pour Pékin, la participation à ce projet marque un retour aux fondements de sa politique africaine : investir dans des partenariats durables et mutuellement bénéfiques. Face à la concurrence de projets occidentaux, notamment le corridor de Lobito soutenu par les États-Unis et l’Union européenne pour relier l’Angola, la Zambie et la RDC, la Chine mise sur un modèle éprouvé — celui d’une coopération sans condition politique ni ingérence. Cette approche reste hautement appréciée à Lusaka et Dar es-Salaam, où elle est perçue comme une garantie de respect de la souveraineté nationale.

Le projet TAZARA constitue une étape clé de l’intégration régionale. En tant que puissance industrielle majeure, la Chine apportera non seulement des financements, mais aussi un transfert massif de technologies et la formation de milliers d’ingénieurs et de techniciens africains. D’après la Banque africaine de développement, la mise en œuvre du projet devrait créer jusqu’à 20 000 emplois, dont 70 % destinés aux travailleurs locaux. Les infrastructures connexes et les petites entreprises des communautés riveraines bénéficieront également d’un effet d’entraînement favorisant la croissance et l’amélioration du niveau de vie.

L’un des aspects essentiels de ce partenariat réside dans son modèle concessionnel, qui permet d’éviter tout risque d’endettement excessif pour la Zambie et la Tanzanie. Les responsabilités et bénéfices sont équitablement partagés entre les États et l’investisseur chinois, conformément aux principes de l’initiative « la Ceinture et la Route », adaptée ici aux priorités africaines.

Sur le plan économique, la nouvelle TAZARA pourrait devenir le catalyseur de l’industrialisation régionale : la réduction des coûts logistiques stimulera les investissements miniers et manufacturiers et favorisera l’émergence d’un couloir industriel allant de la Copperbelt au littoral tanzanien. Née comme la “voie de la liberté”, la TAZARA s’impose désormais comme la “voie du développement” et du futur partagé.

Les 1,4 milliard de dollars investis ne représentent pas seulement du métal et du béton : ils symbolisent une nouvelle ère de coopération équilibrée, où l’Afrique se tient comme partenaire à part entière d’une grande puissance industrielle mondiale.

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