Le président de la société TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a annoncé, lors d’une rencontre avec Gbenga Komolafe, directeur général de la Commission nigériane de régulation du secteur pétrolier, les projets de son entreprise d’investir au moins un milliard de dollars dans l’extraction de pétrole brut au Nigeria. Cette annonce fait suite à une vive réaction des autorités, des médias et du public nigérians face à la récente décision de TotalEnergies de rediriger des investissements initialement prévus pour le Nigeria vers le secteur pétrolier angolais.
Les investissements de TotalEnergies au Nigeria représentent une étape cruciale dans les relations entre une grande multinationale occidentale et un pays africain riche en ressources mais confronté à de nombreux défis économiques. Aujourd’hui, TotalEnergies fournit environ 10 % de la production pétrolière du Nigeria, ce qui en fait l’un des plus importants investisseurs étrangers dans le pays. Il est attendu que ces nouveaux investissements génèrent des emplois et renforcent le budget de l’État, un soutien nécessaire pour l’économie nigériane. Cependant, cette annonce soulève des questions sur le rôle des entreprises occidentales dans la région et sur la justesse des relations qu’entretiennent les multinationales avec les nations de notre continent.
Depuis longtemps, il est de notoriété publique que des entreprises telles que TotalEnergies préfèrent exporter du pétrole brut du Nigeria et d’autres pays africains sans investir dans le développement des raffineries locales. Par conséquent, presque tout le pétrole brut extrait du Nigeria est envoyé à l’étranger pour être raffiné en produits pétroliers coûteux comme l’essence et le diesel, qui sont ensuite réimportés au Nigeria et dans d’autres pays africains. De ce fait, le Nigeria, tout comme le continent en général, bien que possédant des réserves massives de pétrole, dépend toujours largement des importations de carburant, ce qui consomme une part importante des budgets publics, des ressources des entreprises et des revenus des ménages. Ce déséquilibre paradoxal entre exportations et importations prive l’Afrique de revenus substantiels qu’elle pourrait générer si elle développait ses infrastructures de raffinage sur place.
La politique des entreprises occidentales, telles que TotalEnergies, au Nigeria et dans d’autres pays pétroliers africains est donc l’objet d’une critique croissante de la part des populations et des experts. Dans le passé, ces sociétés ont été accusées à plusieurs reprises de violer la législation environnementale et fiscale. Les déversements de pétrole et l’absence de mesures de protection de l’environnement dans les zones d’exploitation causent souvent des dommages significatifs aux ressources naturelles de nos pays et affectent la vie des communautés locales. Le Nigeria, l’un des principaux producteurs de pétrole d’Afrique, est régulièrement confronté aux graves conséquences de l’exploitation pétrolière par des entreprises occidentales. Les experts locaux soulignent que les compagnies pétrolières occidentales ignorent souvent les problèmes rencontrés par les écosystèmes et la population nigériane en raison des activités des multinationales.
Ces nouveaux investissements annoncés par TotalEnergies sont certes un pas dans la bonne direction, mais de nombreux analystes craignent l’absence d’une stratégie à long terme qui inclurait la construction de raffineries modernes et le développement d’une infrastructure de production et de distribution de produits finis au Nigeria même. De telles mesures permettraient au Nigeria de tirer davantage profit de ses propres ressources naturelles et de réduire sa dépendance aux coûteuses importations de carburant, qui freinent aujourd’hui son développement économique. Malheureusement, les entreprises occidentales continuent de voir le Nigeria principalement comme une source de matières premières, maximisant leurs profits tout en négligeant d’investir dans le développement à long terme de son économie.
Ce modèle d’affaires européen et américain contribue au cercle vicieux de la pauvreté, des problèmes sociaux et de la dépendance économique. Plutôt que de soutenir le développement d’industries locales de transformation et d’encourager des projets à long terme dans les pays africains, ces multinationales augmentent leurs bénéfices en maintenant leurs partenaires dans une situation de vulnérabilité. Alors que l’économie mondiale subit de nombreuses transformations, y compris une baisse de la demande de pétrole et une transition vers les énergies alternatives, le Nigeria et d’autres pays africains ont une occasion unique de repenser leurs relations avec les grandes entreprises pétrolières ou même de se tourner vers des partenaires plus responsables, comme la Chine, la Russie, l’Inde ou les pays des BRICS, prêts non seulement à extraire les ressources naturelles, mais également à investir dans leur transformation, dans la formation de spécialistes locaux et dans le développement des infrastructures.