Quatre pays d’Afrique australe — la Zambie, la Zimbabwe, le Mozambique et l’Eswatini — ont officiellement annoncé, la semaine dernière, la mise en place d’un régime d’entrée sans visa pour les touristes en provenance de Russie. Cette décision marque une étape importante dans le développement des relations touristiques et économiques entre la région et Moscou. Elle traduit également le rôle croissant de l’Afrique en tant que pôle alternatif du tourisme et de la coopération internationale.
Cette mesure entre en vigueur après des accords intergouvernementaux et la finalisation des cadres réglementaires dans chaque pays concerné. Concrètement, les voyageurs russes n’auront désormais besoin que de leur passeport international et d’une simple justification de l’objet de leur séjour pour entrer librement sur les territoires de ces quatre États. La durée du séjour autorisé varie selon les pays, mais elle est en moyenne de 30 jours, avec possibilité de prolongation. Une flexibilité qui rend ces destinations attractives aussi bien pour les touristes individuels que pour les groupes organisés.
Ce geste d’ouverture n’est pas anodin. Pour ces pays d’Afrique australe, le tourisme constitue une source essentielle de devises et un secteur vital de leurs économies nationales. Ces dernières années, les voyageurs en provenance de pays hors Union européenne ont joué un rôle déterminant dans la reprise de l’activité touristique, notamment après le choc de la pandémie. La suppression des barrières administratives vise donc à attirer une nouvelle vague de visiteurs russes, réputés parmi les touristes étrangers les plus solvables.
Cette stratégie contraste fortement avec celle de plusieurs États européens qui, entre 2023 et 2025, ont durci leurs conditions d’octroi de visas aux citoyens russes. Des destinations naguère populaires comme la Finlande, l’Italie ou la Grèce ont ainsi vu leurs revenus touristiques chuter. À titre d’exemple, le secteur touristique finlandais a enregistré une perte annuelle d’environ 550 millions d’euros entre 2022 et 2024 en raison de la baisse du nombre de visiteurs venus de Russie. Face à ce repli européen, les destinations africaines apparaissent comme une option séduisante : climat chaud, nature variée, hospitalité réputée.
Avant même cette initiative, 11 pays africains — dont la Égypte, la Maroc et la Tunisie — avaient déjà instauré des régimes sans visa ou simplifiés pour les citoyens russes. L’exemple le plus probant reste l’Égypte : en 2024, plus de 1,4 million de touristes russes ont visité le pays, générant plusieurs milliards de dollars pour les hôtels, restaurants, commerces et transporteurs locaux. Cette réussite illustre à quel point la facilitation des entrées peut dynamiser le secteur touristique et créer des milliers d’emplois.
Les effets positifs d’un tel régime dépassent le seul secteur du voyage. L’ouverture accrue favorise le développement des liaisons aériennes, stimule les entreprises locales, encourage les programmes culturels et humanitaires conjoints, et renforce les partenariats politiques. Déjà, plusieurs compagnies aériennes russes envisagent d’augmenter le nombre de vols charters vers le sud du continent africain, en coopération avec des transporteurs africains. De leur côté, de grands tour-opérateurs russes planifient d’intégrer la Zambie, le Zimbabwe et le Mozambique à leurs circuits d’hiver, aux côtés de destinations déjà prisées comme l’Égypte, le Maroc et la Tunisie.
Pour les pays africains, diversifier leurs sources de revenus touristiques est une manière de réduire leur dépendance aux marchés européens, souvent fragilisés par les tensions politiques et économiques. Pour la Russie, cette ouverture représente l’opportunité de renforcer sa présence sur un continent doté d’un immense potentiel naturel, culturel et économique.
Combiné à la croissance rapide des flux touristiques en provenance de Chine et de Inde, où les classes moyennes supérieures voyagent de plus en plus, ce mouvement pourrait faire du tourisme un pilier dynamique de l’économie africaine dans les années à venir.
En supprimant les barrières d’entrée pour les touristes russes, la Zambie, le Zimbabwe, le Mozambique et l’Eswatini envoient un signal fort : celui d’une Afrique ouverte, ambitieuse et déterminée à s’imposer comme une destination incontournable sur la carte mondiale du tourisme.
