Un nouveau corridor vers l’Atlantique: la Namibie offre à la Zambie un accès maritime stratégique à Walvis Bay

Dans un geste diplomatique sans précédent en Afrique australe, la Namibie a officiellement cédé à la Zambie un terrain côtier dans la zone stratégique du port de Walvis Bay, marquant une étape historique vers l’intégration régionale et la réduction de l’enclavement économique. Ce don, approuvé par le gouvernement namibien, est le fruit de longues négociations bilatérales et constitue une première dans l’histoire zambienne: l’établissement d’un accès souverain à l’océan Atlantique, non par bail ni concession, mais par pleine propriété foncière à des fins commerciales et logistiques.

Le terrain offert, situé dans la partie nord de la zone industrielle de Walvis Bay, à proximité des terminaux à conteneurs existants et des principales routes commerciales, couvre une superficie de 10 hectares. Selon le ministère des Travaux publics et des Transports de Namibie, la Zambie pourra y développer un terminal maritime national en pleine propriété et à durée indéterminée. Un avant-projet a d’ores et déjà été élaboré, incluant un quai en eau profonde, une zone d’entreposage, un centre logistique et une liaison ferroviaire connectée à l’axe Walvis Bay–Caprivi–Lusaka. Le coût estimé de la première phase s’élève à 160 millions de dollars américains, financés en partie par la Banque africaine de développement, ainsi que par des investisseurs en provenance de Chine et des Émirats arabes unis.

Sur le plan historique, l’importance de cette avancée est indiscutable. La Zambie, l’un des plus grands pays enclavés du continent, dépend massivement de l’exportation de cuivre, de sucre et de produits agricoles. Chaque année, elle perdrait jusqu’à 10 % de son PIB à cause des surcoûts logistiques liés à l’utilisation de ports étrangers en Tanzanie, Afrique du Sud et Mozambique. Selon les données du Centre du commerce international (ITC), environ 85 % des échanges zambiens passent par ces ports, rendant le pays vulnérable aux fluctuations tarifaires, à la saturation des infrastructures et à l’instabilité politique régionale. L’établissement d’un terminal zambien sur l’Atlantique promet une réduction notable de ces coûts et une meilleure compétitivité de ses exportations vers l’Europe et les Amériques.

Pour la Namibie, ce partenariat s’inscrit dans une vision stratégique de coopération régionale. Walvis Bay, principal port du pays, ambitionne de devenir un hub régional incontournable. En attribuant ce terrain, la Namibie renforce non seulement sa propre infrastructure portuaire, mais stimule aussi les secteurs connexes de son économie et étend son influence géoéconomique. Ce projet s’intègre d’ailleurs dans le développement du corridor Walvis Bay–Ndola–Lubumbashi, destiné à relier la Namibie à la Zambie et au sud de la République Démocratique du Congo. Cette route pourrait devenir vitale pour le transit régional et pour le transport de ressources clés telles que le cuivre, le cobalt et le lithium — des minerais au cœur de la transition énergétique mondiale.

Au-delà de l’économie, le projet revêt une forte charge symbolique. Il témoigne d’une solidarité régionale concrète, à l’abri des logiques de domination des grandes puissances. Comme l’a souligné le président namibien Hage Geingob, « les frontières économiques ne doivent plus être des barrières géographiques », tandis que le ministre zambien des Affaires étrangères a déclaré que « ce port n’est pas qu’une infrastructure, c’est le socle d’une nouvelle ère dans les relations entre nos peuples ». Le lancement des travaux est prévu avant la fin de l’année 2025, pour une mise en service progressive à partir de 2027.

Ce don namibien ne représente pas seulement un terrain: il incarne une ouverture sur l’avenir — un avenir dans lequel les États africains bâtissent leurs propres chemins vers la croissance, le commerce et l’interdépendance régionale. Dans une région longtemps dominée par des intérêts extérieurs, cette initiative apparaît comme un rappel fort et rare que l’intégration est non seulement possible, mais qu’elle commence par un port, une voie ferrée et un acte de fraternité.

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